Visiblement, les passagers d’Air Algérie, continueront à être les otages des conflits sociaux qui laminent la compagnie nationale de transport aérien. Jeudi dernier, ils ont été surpris par l’annulation progressive de tous les vols des réseaux aussi bien intérieur qu’extérieur, et sans aucune explication ni information. Le personnel commercial navigant a décidé d’observer un arrêt de travail d’abord à l’aéroport international d’Alger, avant que tous les avions ne soient cloués au sol au niveau national. A l’origine de ce débrayage, la notification par la direction générale de la suspension des sept membres du bureau du syndicat autonome, le Snpcn en fin de matinée. Quelques heures plus tôt, des rumeurs faisaient état de la suspension de plus d’une centaine de stewards et d’hôtesses de l’air qui auraient pris part à la grève illimitée, déclenchée 48 heures auparavant, puis annulée sur ordre de la justice qui l’a déclarée illégale. La tension est montée lorsque des policiers, instruits par la hiérarchie de la compagnie, ont retiré leur badge aux syndicalistes suspendus. Contacté jeudi dernier, M. Bakhouche, premier responsable de la compagnie, explique qu’il s’agit de mesures administratives contre «ceux qui ont appelé à une grève illégale dont les conséquences, aussi bien sur la plan financier que moral, sont très lourdes. Ils doivent donc assumer leurs responsabilités et s’ils s’estiment lésés, la justice tranchera». Du côté du syndicat, c’est la consternation. En quelques heures, l’entrée de l’enceinte de l’aéroport réservée au pèlerinage a été envahie par des travailleurs et des syndicalistes. De folles rumeurs sur la décision de rupture des contrats à durée déterminée ont fait l’effet d’une bombe et des dizaines de stewards et d’hôtesses, les plus concernés par ces contrats, ont afflué vers l’aéroport. Tous réclament un retour à la grève en réponse à la réaction de la direction générale de la compagnie, jugée «excessive et contraire au droit à l’exercice syndical». Déjà, de nombreux vols étaient annulés. Le personnel commercial navigant est entré en grève. Durant des heures, les passagers ont été bloqués dans les aéroports alors que la flotte d’Air Algérie est clouée au sol. Le mouvement de colère suscite une vaste démonstration de solidarité des autres corporations du transport aérien. Vers 20h, dans un communiqué commun, quatre syndicats affiliés à l’Ugta — le Spla (Syndicat des pilotes de ligne algériens), le Syndicat technique spécifique, le Syndicat du personnel navigant commercial et le Syndicat des opérations au sol — mettent en garde contre ce qu’ils estiment être «des licenciements abusifs qui risquent de conduire la compagnie au désastre en mettant le feu aux poudres, et ce, en étendant le conflit à tous les secteurs de la compagnie et par la même occasion pointer tous les projecteurs des médias sur Air Algérie, ce qui ternit son image en mettant à mal sa crédibilité vis-à-vis de l’opinion nationale et internationale». Après avoir constaté avec «amertume» la situation actuelle de la compagnie, où écrivent-ils, «l’employeur affiche ouvertement sa politique du mépris en pratiquant l’autoritarisme par la violation du simple droit syndical», les quatre syndicats appellent les pouvoirs publics à «mettre fin à ce massacre entamé par la direction générale actuelle, et ce, depuis son arrivée et risque de nous mener vers une situation de pourrissement général». Les mêmes propos sont repris dans le communiqué du conseil du Sntma (Syndicat national des techniciens de la maintenance avion), affiché tard dans la soirée de jeudi dernier, mais en mettant en garde (à la fin de la déclaration) la direction générale contre un «éventuel embrasement si les sanctions infligées à l’encontre de nos collègues du PNC ne sont pas levées d’une manière inconditionnelle et dans les plus brefs délais. Nous ne pouvons construire l’avenir d’une compagnie aérienne sous la direction d’une personne qui ne cesse de prétendre que sa carrière est derrière elle et qu’elle n’a plus rien à perdre…». Visiblement, cette décision de suspendre des cadres syndicalistes a rassemblé les travailleurs de la compagnie autour de la nécessité d’être solidaires avec leurs représentants syndicaux. Une situation qui a poussé l’administration à entreprendre des démarches tard dans la soirée de jeudi en direction du personnel. D’abord en niant toute volonté de licencier les travailleurs, puis en promettant de rouvrir les portes du dialogue. Tôt dans la matinée d’hier, les vols de la compagnie ont repris. Le personnel navigant a décidé de suspendre son mouvement de protestation et de rester attentif aux négociations avec la hiérarchie autour de l’annulation des mesures de suspension des cadres syndicaux et l’application de l’accord-cadre signé entre le syndicat et la direction générale il y a plus d’une année, mais sans être concrétisé sur le terrain. Cet accord porte sur une réévaluation progressive des salaires du personnel navigant commercial, dont une partie seulement a été appliquée. Hier, la tension était toujours perceptible chez les travailleurs, alors que le calme qui régnait restait précaire, dans la mesure où beaucoup n’écartent pas la possibilité d’un retour à un débrayage général qui affectera lourdement la compagnie, déjà affaiblie par les grèves à répétion qui aggravent son déficit financier…
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