lundi 5 mars 2018

«Il est primordial de définir nos avantages compétitifs à l’échelle régionale»

- Le ministère de l’Industrie et des Mines organise aujourd'hui des journées techniques sur la sous-traitance, le but étant de réunir l’ensemble des acteurs du secteur afin de développer cette activité. Quid de l’apport de ces journées ? L’idée de mettre en place une conférence nationale sur un secteur aussi stratégique est primordiale pour permettre de fédérer l’ensemble des acteurs du secteur. Nous avons, dans un premier temps, intégré le comité de préparation de ces journées dans une logique de capitalisation sur les assises de l’industrie automobile, organisées en octobre dernier, et afin d’apporter des réponses aux questions posées par les sous-traitants lors de ces assises. Nous avons suggéré au ministère de l’Industrie et des Mines que cette conférence soit une occasion pour nous permettre d’avoir des réponses claires et engageantes de la part des donneurs d’ordres. Quelle est la vision stratégique portée par le gouvernement en matière de développement industriel et technologique pour permettre à l’Algérie d’avoir une place de droit sur l’échiquier maghrébin dans ce secteur est le sujet à débattre, car qu’on le veuille ou pas nos pays voisins ont aujourd’hui des plateformes considérées comme opérationnelles pour des opérateurs étrangers. Processus d’homologation, journées techniques sont bien évidemment des thématiques importantes pour les sous-traitants, mais qui viennent à mon sens en second temps, d’autant que ces thématiques pourraient aisément être prises en charge par des structures dédiées : consultants, structures de formation, etc. - Pensez-vous que ces journées permettront aux constructeurs, sous-traitants, structures d’accompagnement et autres de préparer les conditions d’émergence d’un écosystème automobile et mécanique ? Encore une fois, fédérer tous les acteurs est une excellente initiative. Mais en termes de contenu, ce qui est capital dans ces journées c’est de comprendre comment les donneurs d’ordres comptent procéder afin d’atteindre les taux d’intégration escomptés dans le cahier des charges. C'est là le vrai sujet. Les vraies questions à poser aux donneurs d’ordres sont plutôt liées à leur planning de production. Comment comptent-ils procéder pour atteindre les 15% et 40% d’intégration ? Les donneurs d’ordres connaissent parfaitement les étapes de fabrication, tout est d’ores et déjà inscrit dans leur business plan. Ils savent parfaitement quels composants ils comptent intégrer et à quel moment ils comptent le faire. C’est cette image que nous souhaiterions avoir lors de ces journées. Comment comptent-ils procéder en sachant qu’aucun équipementier Tier 1 n’est aujourd’hui installé en Algérie. Dans le cahier des charges, on parle d’export. Quelle est la stratégie export des donneurs d’ordres ? Vers quel pays comptent-ils exporter ? A quelles échéances ? Quelles sont les cadences de production ? Et enfin et c’est à mon sens le plus important, ces donneurs d’ordres qui ont toujours opéré à l’échelle régionale avec le Maroc et la Tunisie comme plateformes de sourcing, comment comptent-ils opérer désormais avec un nouveau «player» qu’est l’Algérie. Quelle stratégie comptent-ils adopter afin de permettre à chaque pays de valoriser ses acquis industriels. Ce sont ces questions qui méritent d’avoir des réponses. Ce sont ces questions auxquelles une conférence nationale de cette envergure devra répondre pour nous permettre de préparer les conditions d’émergence d’un écosystème automobile. - L’industrie mécanique dans le secteur automobile peut-elle exister sans l’appui des donneurs d’ordres ? Il est évident qu’on ne peut pas construire une industrie sans l’implication des opérateurs en haut de la chaîne, en l’occurrence les donneurs d’ordres. On ne peut pas tracer une feuille de route sectorielle sans la partager avec le donneur d’ordres. Un constructeur est un opérateur privé, on ne peut pas lui imposer de calendrier. Il faut par contre savoir travailler en bonne intelligence et créer les conditions qui nous permettront d’une part de pousser les constructeurs à respecter leurs engagements et d’autre part de rester maître de la situation. Rappelons-nous que des avantages importants ont été accordés à ces derniers. C’est pourquoi à l’Upiam nous avons proposé la mise en place d’un contrat de filière automobile. Nous restons convaincus que seul un contrat de performances sectoriel pluriannuel qui lie les trois parties : gouvernement, constructeurs et sous-traitants, représentés par leurs associations respectives avec à la clé des indicateurs de suivi industriels nous permettront de savoir si on avance dans la bonne direction ou pas. - Le ministre de l’Industrie a procédé à la mise en place plusieurs actions destinées à accompagner le développement de la sous-traitance et renforcer l’intégration locale sur les projets de partenariat en coproduction dans le secteur automobile et mécanique. Que pensez-vous de cette stratégie ? Le ministre de l’Industrie a la volonté d’ancrer l’industrie algérienne sur le plan régional et de façon pragmatique. Les actions entreprises à ce jour ont l’intérêt de répondre à des questions concrètes, telles que l’introduction dans le cahier des charges de clauses liées à la mobilisation d’équipementiers, l’export, ou l’action de fédérer les acteurs du secteur dans le cadre des journées techniques, mais pour autant elles ne s’inscrivent pas, de mon point de vue, dans un cadre stratégique avec une vision claire du cap qu’on se donne dans les cinq années à venir sur ce secteur et surtout décliner cette vision sous forme d’actions qui nous permettraient d’atteindre ce cap. C’est la vision stratégique qui commande les actions et non l’inverse. Par ailleurs, il est primordial d’associer l’ensemble des acteurs de la filière pour soutenir cette vision. Pour ce qui concerne le contrat de filière automobile que nous avons proposé à l’Upiam et qui semble en cours d’implémentation au sein du ministère de l’Industrie et des Mines, nous avons soutenu l’intérêt, si ce n’est la nécessité d’élargir les participants de ce comité à l’ensemble des associations, industriels, sous-traitants, afin de bâtir ensemble une vision sectorielle commune. - Les outils juridiques et techniques mis en place par la tutelle vont-ils, selon vous, booster l’activité de la sous-traitance ? Personnellement, je considère que les outils juridiques et techniques viennent en appui d’une vision stratégique. Ce ne sont pas les textes qui font une industrie. Les textes peuvent être utiles pour réguler un marché. Prenons l’exemple de la contrefaçon : on peut mettre en place des mécanismes juridiques qui permettent d’assainir un marché. D’une manière générale, je pense que tous les textes juridiques liés à l’industrie devraient faire l’objet d’une consultation préalable directement auprès des associations cibles. Les associations devraient être partie prenante des travaux menés sur les filières de bout en bout afin de tenir compte des attentes de la base et pour que les décisions prises par le gouvernement puissent répondre à la réalité de notre paysage économique. Ceci étant, je souhaite souligner, en tant que membre élue du bureau du Conseil national de concertation pour le développement de la PME, que le ministère de l’Industrie et des Mines a bien pris note de cette demande. - Comment s’inscrit l’Upiam dans cette stratégie et quel bilan tirez-vous de cette première année de mandat ? Nous travaillons sur le fond, donc cela demande du temps et beaucoup d’efforts. L’Upiam est l’unique acteur à avoir indiqué la nécessité de mobiliser les équipementiers de rang 1, pré-requis à la construction d’une industrie automobile. Le cahier des charges inclut désormais cette demande. Certes, le constructeur ne peut pas imposer à son équipementier de s’implanter en Algérie, mais le fait que le gouvernement l’inscrive parmi ses demandes fortes est un atout de taille. L’Upiam est aussi l’unique acteur à avoir porté la plasturgie comme écosystème prioritaire. Un rapport complet avait d’ailleurs été transmis au ministre de l’époque. Nous avons insisté sur la nécessité de travailler sur l’ensemble de la chaîne de valeur dans ce secteur. C’est là une clé de différenciation qu’a l’Algérie par rapport à ses pays voisins, qui ne sont pas des pays producteurs de pétrole ou de gaz, et qu’elle se doit d’exploiter. Nous avons mis en place les assises de l’industrie automobile dans l’optique de fédérer les constructeurs et sous-traitants, afin qu’ils puissent s’écouter mutuellement. Cette rencontre a été nécessaire afin de dépassionner les débats à un moment qui était très névralgique et sensible après un été 2017 tumultueux sur le plan économique et beaucoup de tension sur ce secteur en particulier. Nous avons aussi représenté l’Algérie à la Convention internationale automobile, qui a eu lieu en Turquie en novembre dernier et qui avait regroupé 250 donneurs d’ordres et sous-traitants mondiaux. Treize opérateurs algériens avaient fait le déplacement afin de nouer des partenariats dans ce secteur. D’autres actions ont été actées. Reste que toutes ces actions ont été pensées, réfléchies et réalisées de façon à porter une vision stratégique du secteur. Notre mission est de bâtir le socle de l’industrie automobile, car on ne doit pas se louper. Et pour cela, nous nous devons de dire les choses telles qu’elles sont. Nous avons remis récemment au ministre de l’Industrie et des Mines un rapport sur le positionnement de l’Algérie à l’échelle régionale. Il convient maintenant de travailler ensemble sur comment cette stratégie pourrait être déployée sur le terrain et quelles actions mener afin de nous permettre de travailler sur nos facteurs-clés de différenciation. On ne peut pas se permettre de réfléchir en étant fermés à ce qui se passe à l’extérieur. Il est primordial de définir nos avantages compétitifs à l’échelle régionale et c’est ce sujet qui devrait faire l’objet de tous nos efforts.  

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