Chaque année naissent 150 à 200 enfants atteints de mucoviscidose. Faute de diagnostic, de nombreux bébés atteints de cette pathologie meurent chaque année en Algérie. Vérifier l’incidence de la maladie en Algérie pourrait passer par un projet de dépistage néonatal limité à quelques grandes maternités.
Comme c’est le cas pour de nombreuses maladies rares, le dépistage de la mucoviscidose n’est toujours pas systématique en Algérie. Par contre, cette dernière suscite un grand intérêt chez de nombreux pédiatres et pneumologues algériens, ce qui fait de l’Algérie le premier pays émergent où une aussi lourde pathologie est diagnostiquée et prise en charge. Ces praticiens bénéficient de l’appui, de l’expérience et du savoir-faire de praticiens français, notamment de l’expertise du professeur Gabriel Bellon, fondateur de la Société française de mucoviscidose, qui a bien voulu nous recevoir une nouvelle fois à l’Hôpital femme, mère et enfant (HFME) de Bron (Lyon).
L’HFME abrite plusieurs centres de référence ou de compétence en charge de pathologies rares : maladies intestinales et respiratoires rares, déficiences intellectuelles et épilepsies de causes rares, diverses malformations et anomalies congénitales, maladies héréditaires du métabolisme, et mucoviscidose, principal objet de notre déplacement. «Après celui de la phénylcétonurie (maladie métabolique) au cours des années 1970, le dépistage systématique à la naissance s’est étendu à l’hypothyroïdie et l’hyperplasie surrénale congénitale, à la drépanocytose (maladie des globules rouges) puis à la mucoviscidose (octobre 2002). Le sang prélevé au troisième jour de vie chez les nouveau-nés est systématiquement analysé.
Quand le dépistage de la mucoviscidose s’avère positif, le bébé est convoqué au Centre de ressources et compétence de la mucoviscidose (CRCM) pour confirmation ou infirmation du diagnostic par le test de la sueur. Si le diagnostic est confirmé (le test de dépistage est rarement faussement positif) l’enfant malade est pris en charge et bénéficie au minimum d’une consultation mensuelle jusqu’à l’âge de six mois, tous les deux mois jusqu’à l’âge d’un an, trimestrielle par la suite, davantage si nécessaire.
Le CRCM est pour le patient le lieu de surveillance où les choix thérapeutiques sont faits et, pour tous les intervenants, hospitaliers et libéraux, le lieu de coordination des soins qui, pour l’essentiel, sont réalisés à domicile», souligne d’emblée le Pr Bellon. «La mucoviscidose fait partie des maladies chroniques rares et complexes pour lesquelles le suivi des patients nécessite des contrôles rapprochés spécifiques, pour lesquels les schémas thérapeutiques ne peuvent être initiés et modifiés que dans des centres d’expertise. La consultation est préparée par une infirmière coordinatrice, cheville ouvrière de la prise en charge du malade.
Elle fait le lien avec le réseau Ensemble pour la prise en charge de la mucoviscidose en Rhône-Alpes/Auvergne (Emeraa) qui lui-même est en contact avec les professionnels qui interviennent sur le lieu de vie du patient», révèle Laure Buscarlet-Jardiné, coordinatrice du réseau, insistant sur l’importance de la qualité des soins à domicile. Le réseau apporte aux patients soutien et formation : «La préservation du capital respiratoire est un objectif prioritaire. Cette mission repose largement sur le kinésithérapeute dont le rôle est essentiel dans la qualité et la régularité du drainage des sécrétions bronchiques.
Non seulement il réalise des actes techniques, mais il s’implique dans la formation et l’autonomisation du patient (apprentissage de l’autodrainage, bonne prise des médicaments, incitation à l’activité sportive, complément utile pour le drainage des sécrétions bronchiques et le maintien de la fonction respiratoire). Le réseau est fortement impliqué dans le recrutement et la formation des infirmières libérales qui interviennent chez le patient lorsqu’un traitement antibiotique par voie veineuse est nécessaire (deux ou trois perfusions par jour pendant deux à trois semaines en cas d’exacerbation de la bronchite non maîtrisée par les antibiotiques pris par la bouche).»
L’importance du diagnostic
«Pour une telle pathologie, l’intervention des infirmières est d’une extrême importance. Elles interviennent dans des moments difficiles pour le patient et sa famille du fait de la dégradation de l’état clinique et de l’augmentation de la charge thérapeutique. Les horaires d’intervention sont le plus souvent contraignants.
Dans ces moments délicats, la présence quotidienne de l’infirmière est inestimable pour non seulement ses capacités techniques, pour diagnostiquer les insuffisances, déceler la moindre complication, mais aussi pour son soutien psychologique», précise la coordinatrice du réseau Emeraa. En reprenant la parole, l’éminent professeur Bellon met le doigt sur l’importance du diagnostic : «La mucoviscidose est, dans la population blanche d’Europe et d’Amérique du Nord, la plus fréquente des maladies génétiques qui, sans traitement approprié, sont le plus souvent létales dans l’enfance.
Elle est transmise conjointement par le père et la mère qui, sans le savoir, sont porteurs d’un gène anormal. Le nouveau-né n’est atteint que s’il reçoit à la fois le gène anormal de son père et de sa mère. La maladie touche de nombreux organes, principalement les voies digestives et respiratoires. En France, environ deux millions de personnes sont porteuses du gène anormal et peuvent le transmettre à leur enfant.
A la naissance, un nouveau-né sur 4500 est touché par la maladie. Ainsi, quelque 200 enfants naissent chaque année atteints de mucoviscidose. La maladie peut s’exprimer de façon différente chez chaque patient. Certains sont plus touchés au niveau des poumons, d’autres au niveau de l’appareil digestif. Le diagnostic et la prise en charge précoces, bien sûr facilités par le dépistage néonatal, sont importants pour le pronostic.»
Faisant du désintéressement dans le partenariat avec ses collègues algériens un principe, le praticien met par ailleurs l’accent sur le travail réalisé en Algérie : «Des travaux laissent penser que l’incidence de la maladie en Algérie est proche de celle de la France et l’on peut estimer que chaque année naissent 150 à 200 enfants atteints de mucoviscidose. Faute de diagnostic, de nombreux bébés meurent chaque année en Algérie.
Vérifier l’incidence de la maladie en Algérie pourrait passer par un projet de dépistage néonatal, limité à quelques grandes maternités. Une telle démarche serait d’un grand apport pour les décisions de santé publique. Avec l’engagement de plusieurs pédiatres et pneumologues algériens dont les compétences sont connues et reconnues, le projet est plus que réalisable, d’autant que le processus de mise en place de CRCM fait son chemin à Alger, Oran, Constantine, Annaba, Sétif, Blida et dans d’autres grandes villes algériennes.»
Savoir-faire algérien reconnu
«Grâce au savoir-faire de ces praticiens, plus de 200 patients ont été référencés ces dernières années. Cette compétence est reconnue. On doit en effet noter que la candidature au titre de correspondant étranger de ces spécialistes qui l’ont déposée —Rachida Boukari, Nafissa Benhalla, Leila Smati, Belkacem Bioud, Abdekarim Radoui, Salim Nafti, Chawki Kaddache — a été retenue par la Société française de mucoviscidose.
La liste de ces CRCM algériens sera bientôt en ligne non seulement sur le site de la Société française de mucoviscidose mais également sur le site du Centre de référence de Lyon. Il n’est pas rare que les centres français soient interrogés par des parents d’enfants ou des patients vivant en France, qui souhaitent retourner en Algérie pour les vacances ou de façon définitive, quant aux possibilités de prise en charge locale. Cette liste permettra de mieux répondre à ces familles. En intégrant une telle structure, les médecins algériens bénéficieront en temps opportun des mêmes informations que leurs collègues français ; ils pourront en outre échanger connaissances et expériences.
Ils bénéficieront par ailleurs d’opportunités pour le partage de formations, d’expertises et de paroles», précise le professeur Bellon, qui a bien voulu parler de l’implication du mouvement associatif et des avancées de la recherche : «L’association française Vaincre la mucoviscidose regroupant patients et parents, en étroite collaboration avec la Société française de mucoviscidose, a joué et joue un rôle très important dans l’évolution de la prise en charge de la maladie. L’association mène depuis plus de 50 ans, un grand combat contre la maladie. Elle a notamment financé plus de 1700 projets de recherche ces 30 dernières années.
Des centaines de millions d’euros et de dollars sont annuellement investis en Europe et aux Etats-Unis où de nouvelles molécules sont testées. Une telle perspective fait naître l’espérance de thérapies moins lourdes et plus efficaces. La mobilisation des chercheurs, l’interconnexion de réseaux européens et nord-américains sont porteurs de promesses. Tout est donc mis en œuvre par les chercheurs pour atténuer les souffrances et augmenter l’espérance des patients.»
A noter que la lutte contre la mucoviscidose en Algérie avance grâce au dévouement et aux efforts des praticiens soutenus par le professeur Gabriel Bellon, avec l’aide des organismes du ministère de la Santé, à l’écoute. Néanmoins, la prise en charge d’une telle pathologie par la Sécurité sociale reste aujourd’hui le seul handicap pour que les patients algériens souffrant de cette maladie soient pris en charge encore plus efficacement.
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