Avec l’annulation de la peine de prison, l’importation de drogue, d’armes et d’explosifs devient une simple infraction douanière.
Les deux seules dispositions douanières contenues dans la loi de finances complémentaire 2015 font, depuis leur promulgation le 23 juillet, tache d’huile en raison des graves erreurs qu’elles comportent. En effet, selon des sources bien informées, les articles 44 et 45 relatifs aux infractions douanières et à la liste des produits concernés «semblent avoir été rédigés dans la précipitation».
Il s’agit en fait de l’amendement de l’article 56 de la loi de finances de 2012 qui énonce : «Indépendamment des sanctions douanières applicables aux marchandises de fraude et à celles ayant servi pour masquer la fraude, les autres marchandises déclarées sommairement au nom du contrevenant activant dans le domaine de la revente en l’état et ayant commis une infraction douanière réprimée par l’article 325 du code des Douanes et portant sur les marchandises reprises dans le tableau ci-dessous, non enlevées à la date de la constatation de l’infraction, sont confisquées.»
Avec l’amendement, cette disposition a été rédigée ainsi : «Nonobstant les sanctions douanières en vigueur, les infractions douanières prévues par l’article 325 du code des Douanes et portant sur les marchandises (reprises dans le tableau ci-dessous) sont passibles de la confiscation des marchandises de fraude et des marchandises ayant servi pour masquer la fraude et d’une amende égale à deux fois la valeur des marchandises confisquées.
Ces infractions sont constatées et poursuivies comme en matière douanière. Indépendamment des sanctions citées dans l’alinéa précèdent, les autres marchandises déclarées sommairement au nom du contrevenant activant dans le domaine de la revente en l’état, ayant commis l’infraction citée plus haut, et non enlevées à la date de la constatation de l’infraction, sont confisquées.
La prise en charge et la destination de ces marchandises obéissent aux mêmes règles qu’en matière douanière.» En 2012, ces infractions étaient passibles de «la confiscation des marchandises de fraude et des marchandises ayant servi à masquer la fraude, d’une amende égale à une fois la valeur des marchandises confisquées, et surtout d’une peine d’emprisonnement de deux à six mois». Or, dans la loi de finances complémentaire de 2015, l’amende a été doublée, puisqu’elle a été arrêtée à deux fois la valeur de la marchandise, mais la peine de prison a tout simplement disparu.
Des positions tarifaires et des taux de droits et taxes erronés
Pourtant, dans la liste des produits concernés, il y a les tabacs, cigares, cigarettes et déchets de tabac, les articles de feux d’artifice, de signalisation, les pétards, les articles de pyrotechnie, les véhicules et engins usagés, leurs parties et accessoires usagés et les pneumatiques réchappés ou usagés, mais aussi les stupéfiants, les armes et munitions ainsi que leurs parties et accessoires, les poudres et explosifs.
Des produits dont l’importation tombe automatiquement sous le coup de la loi sur la contrebande et de ce fait, sous le coup du code pénal.
D’ailleurs, l’article 325 du code des Douanes présente l’importation de ces produits comme des «délits de première classe» passibles de «confiscation des marchandises de fraude et des marchandises ayant servi à masquer la fraude, d’une amende égale à une fois la valeur des marchandises confisquées, mais aussi d’une peine d’emprisonnement de deux mois à six mois».
Avec l’annulation de la peine de prison, l’importation de drogue, d’armes et d’explosifs devient une simple infraction douanière. Mieux, le tableau des produits concernés par les amendements fait référence à des désignations tarifaires totalement fausses, qui peuvent induire en erreur les douaniers et causer un préjudice énorme aux opérateurs économiques, en raison de la confusion qui peut altérer la lecture des articles de la loi. Exemple : les stupéfiants ont pour désignations tarifaires les chapitres 12,13, 28,29 et 30. Or, ces derniers n’ont rien à voir avec la drogue. Jugeons-en : l’article 12 concerne les graines et fruits oléagineux, les plantes médicinales et les fourrages ; l’article 13 contient la gomme, la résine et autres extraits végétaux.
L’article 28 concerne les produits chimiques, inorganiques ou organiques, métaux précieux radioactifs, métaux de terre, résine et isotopes, alors que l’article 24 représente les produits organiques et l’article 30 les produits pharmaceutiques. Une autre erreur est aussi constatée dans la désignation tarifaire des poudres, explosifs, parties et accessoires, renvoyés aux articles 28 et 29, déjà affectés dans le même tableau aux stupéfiants.
D’autres aberrations relevées par des sources bien informées a trait aux taux des droits et taxes imposés par la loi de finances complémentaire 2015. Selon nos interlocuteurs, il y a eu «une véritable dichotomie» dans les changements opérés. «Nous remarquons par exemple que pour l’importation de l’aluminium, les droits et taxes sont plus élevés lorsqu’il s’agit d’importation de ce produit pour l’industrie et plus basse s’il est destinée à la vente en l’état, alors que cela devrait être l’inverse. Les erreurs de ce genre sont nombreuses. Elles touchent de nombreux produits importés et risquent de susciter d’énormes problèmes», expliquent nos interlocuteurs.
En tout état de cause, ces anomalies inexpliquées ont attiré l’attention des plus hauts responsables, mais bien après la signature de la loi par le président de la République. Des instructions ont été données pour corriger les erreurs, mais comme il s’agit d’une loi, les corrections ne peuvent être apportées que par une autre loi, signée encore une fois par le Président.
Comment en est-on arrivé à cette situation ? De telles erreurs peuvent-elles échapper à la vigilance, surtout lorsqu’il s’agit d’une loi de finances ? Autant de questions auxquelles il est pour l’instant impossible de trouver des réponses. Le premier responsable de l’administration douanière, fraîchement installé, est en vacances à l’étranger et ses subordonnés n’avaient aucune explication à donner.
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