Les établissements hospitaliers publics sont soumis à rude épreuve depuis la promulgation de la note n°1729 du 5 octobre 2015 du ministère des Finances, obligeant les gestionnaires à consommer 50% du budget alloué à l’établissement dans le cadre de la rationalisation des dépenses. Une instruction qui impacte lourdement la gestion des hôpitaux qui ont un statut d’établissement à caractère industriel et commercial (EPIC) au même titre que les autres structures publiques. Est-ce qu’un établissement hospitalier tel qu’un CHU peut être assimilé à n’importe quelle autre entreprise publique ? L’instruction du ministre des Finances vient estropier l’activité quotidienne des services médicaux indispensables dans la prise en charge des malades. Un véritable casse-tête imposé aux responsables de ces structures qui se démènent afin de trouver les solutions idoines pour le bon fonctionnement des services et de l’établissement, dont les besoins sont extrêmement importants et parfois urgents. Outre le médicament pour lequel les réductions sont plafonnées selon les établissements, la note ministérielle exige de «procéder aux engagements destinés aux achats de matériels : fournitures mobilier et papeterie, imprimerie, ainsi qu’aux diverses manifestations qu’à concurrence de 50% de la dotation budgétaire qui leur est destinée. Le reste sera libéré en temps opportun et au cas par cas». La note ministérielle signée par le directeur des finances et des moyens, du temps de l’ex-ministre des Finances, Abderrahmane Benkhalfa, demande de poursuivre les efforts de rationalisation consentis en vue d’atteindre, à la fin de l’exercice 2016, une économie de 20% sur les crédits inscrits à l’indicatif des postes précités. Les contrôleurs financiers tenus de mettre en application cette disposition sont régulièrement en opposition avec les gestionnaires qui tentent tant bien que mal de justifier au moindre détail toutes les dépenses. Une situation qui risque d’avoir un impact négatif sur la prise en charge des malades. «Le malade sera sérieusement touché par ces restrictions. Comment peut-on réduire les dépenses en matière de fournitures de bureau et papeterie, sachant que chaque malade doit avoir un dossier médical comportant un compte-rendu hospitalier, un compte-rendu opératoire, un compte-rendu pour l’imagerie médicale, et surtout les imprimés pour les examens biologiques. Ces documents sont indispensables puisqu’ils relèvent de l’exigence médico-légale et il est impossible de contourner cette contrainte», relève un autre gestionnaire qui pose un sérieux problème pour ce qui du fonctionnement des blocs opératoires. «Sans le gaz à usage médical, il est quasiment impossible de programmer des interventions chirurgicales. A ce rythme, il n’y aura que les urgences qui seront assurées. L’activité opératoire sera considérablement réduite. Le problème se pose aussi pour la maintenance des équipements. Un scanner qui tombe en panne, il faut bien le réparer. Décider de remplacer une pièce est soumis à l’appréciation du contrôleur financier qui lui n’est pas confronté aux malades et aux professionnels de la santé de plus en plus exigeants. Si la sonde d’un échographe utilisée en gynécologie est usée, on doit en racheter une. Mais, le contrôleur financier ne comprend pas tout cela. Il s’agit d’un véritable casse-tête auquel nous sommes tenus de trouver des solutions immédiates.» Le plafonnement des dépenses imposé met l’hôpital, en l’occurrence les Chu, dans une situation d’étouffement et les conséquences sont déjà visibles. L’établissement hospitalier doit avoir un statut spécifique, estime un gestionnaire qui propose un modèle de gestion autre que celui imposé actuellement. «On ne peut pas continuer à appliquer cette note ministérielle au niveau des établissements hospitaliers. Nos structures diffèrent des autres établissements publics. Nous n’avons pas le même fonctionnement et surtout les besoins sont différents. Nous sommes tenus d’assurer une activité régulière des services médicaux notamment pour tout ce qui est produits pharmaceutiques utilisés quotidiennement, tels que les réactif, le film de radiologie, le fil de sutures chirurgicales, les solutés et l’oxygène médical», nous confie un chef d’établissement. Il signale que cette note reste ambiguë puisque «nous sommes dans l’obligation, quand même, d’honorer les factures de tous ces produits nécessaires à la prise en charge des malades». Les gestionnaires déplorent cet état de fait où ils sont soumis à un pouvoir décisionnel du contrôleur financier. Cette mesure prise dans «l’absolu» ne peut être appliquée de manière rigoureuse au même titre que les autres organismes publics. C’est également une porte ouverte à tous les dysfonctionnements qui mettront les malades dans des situations complexes, où certains seront dans l’obligation d’être orientés vers le privé, et ce, à leurs propres frais.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire