Tous ses amis et collègues plaident sa rigueur, son professionnalisme et son dévouement au travail. Fille de chahid et d’une grande moudjahida, sœur de deux frères combattants de l’ALN, Nora Nedjaï incarne la parfaite cadre disciplinée et compétente. Nora Nedjaï bouclera aujourd’hui sa première semaine à la prison d’El Harrach. Son tort : avoir autorisé le producteur de la société NessProd de tourner une émission de télévision politiquement dérangeante. Son incarcération a été un choc pour sa famille et surtout pour ses proches et amis. Cette femme dévouée, engagée et surtout intègre et compétente ne s’attendait certainement pas à finir sa carrière en prison pour avoir juste fait son travail et certainement, comme l’affirment ses collègues, en se référant à l’avis du cabinet du ministre de la Culture, comme le prévoit le règlement. Quels que soient les faits qu’on lui reproche, ni le parcours, ni le statut, ni l’histoire de sa famille ne plaident pour une telle sanction. Pour ceux qui ne connaissent pas cette dame, Nora Nedjaï est issue d’une famille de maquisards. Sa mère Labassi Fatma, dont le nom sera donné, en novembre prochain, à une grande placette à Cherchell, avait été arrêtée au cours du mois de Ramadhan de l’année 1958, à Cherchell, et incarcérée au camp de concentration de Bois sacré à Gouraya, wilaya de Tipasa, où elle fût affreusement torturée. Elle n’a dû son salut que grâce à l’indépendance. Comble de l’ironie. Dans la lettre qu’elle avait envoyée de la prison à sa famille, elle écrivait qu’elle se portait bien mais qu’elle s’inquiétait pour sa fille Nora, qu’elle avait laissée alors qu’elle n’avait que 3 ans. Plus de 50 ans après, la petite Nora, devenue cadre de l’Algérie indépendante, se retrouve en prison, de surcroît en plein mois de Ramadhan. Le père de Nora, Abdelkader Labassi, est un grand martyr de la Révolution, très connu à Cherchell, et ses deux frères, Mohamed et Abderrahmane, ont été parmi les plus jeunes combattants de l’ALN qu’ils avaient rejoint dès les premières années de la Révolution. Nora a fait l’Ecole des beaux-arts, à Alger, puis en Espagne, avant de rentrer au pays. Sa droiture, son professionnalisme, sa compétence ont suscité sa nomination en tant que sous-directrice au ministère de la Culture. Un poste qu’elle a assumé avec abnégation. Tous ceux qui l’ont approchée lui reconnaissent son «sens de l’écoute, sa rigueur et surtout sa disponibilité» pour résoudre les problèmes. Enfin, Nora est décrite par ses collègues comme une femme «exceptionnelle, dévouée et sensible, toujours présente pour aider les artistes et les orienter, étant donné son statut d’artiste dont les œuvres sont au musée des Beaux-Arts à Alger et celui de Nasreddine Dinet à Bou Saâda». Mariée à un artiste peintre, Nora a pris part à de nombreuses expositions collectives en Espagne, en Corée du Sud et en Algérie, et ce, depuis 1986 jusqu’en 2013. Jalonné de récompenses, le parcours de Nora dénote son caractère de femme très active, notamment durant les années 1990. Or lorsqu’elle a été convoquée par les gendarmes en cette journée du mercredi 22 juin, elle ne se doutait certainement pas qu’elle allait passer sa première nuit en prison. Elle s’est déplacée toute sereine et très confiante. Malheureusement, elle fût placée sous mandat de dépôt dans la nuit de mercredi à jeudi. Cela a été très bouleversant pour elle et sa famille. Alors qu’elle était toujours dans les locaux de la gendarmerie, le ministre de la Culture lui a signifié sa fin de fonction, la condamnant avant même qu’elle ne soit entendue par le juge. Le lâchage est très mal perçu par les cadres du ministère, qui se sentent terriblement vulnérables et sans protection. Demain, Nora entamera sa deuxième semaine d’incarcération, loin de son époux et de sa famille. Sur la Toile, les artistes et ses proches mènent une grande campagne de mobilisation pour sa libération. La place de cette grande dame tant appréciée pour son intégrité n’est pas dans une prison. Elle mérite plus d’égards, vu son parcours irréprochable et l’histoire glorieuse de sa famille.
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