mercredi 20 décembre 2017

Les résidents dénoncent le «mutisme» de la tutelle

«On est obligés d’aller vers une grève illimitée», mettent en garde les délégués, qui pourraient annoncer leur décision à partir de la semaine prochaine. Prêts à aller jusqu’à au bout». Reprise en chœur, la deuxième partie de la phrase résume la détermination des résidents regroupés, hier, devant le Centre Pierre et Marie Curie de l’hôpital Mustapha Pacha (Alger). A l’appel du Collectif des médecins résidents algériens (Camra), «le rassemblement tenu au deuxième jour de la grève a drainé des médecins venus des 11 wilayas disposant de facultés de médecine», se réjouit un délégué de la Camra, qui a requis l’anonymat. En grève depuis six semaines, les résidents ont organisé leur sit-in national pour dénoncer le «mutisme» du département du Pr Mokhtar Hasbellaoui, qui a pourtant accueilli, début octobre, les délégués en promettant une réponse rapide (15 jours) «qui n’est jamais venue». «La commission interministérielle mixte (Santé, Enseignement) dont on nous a parlé n’a finalement jamais existé. D’ailleurs, au ministère de l’Enseignement supérieur, on ne nous en a pas parlé. Nous ne réclamons pas une augmentation de salaire. Nous voulons juste l’égalité des droits avec tous les Algériens», assure une représentante qui lâche que si les responsables de la tutelle «sont  dans l’incapacité de répondre favorablement à nos revendications qu’ils le disent». Les résidents réclament, dans leur plateforme de revendications, la révision du statut «flou» régissant leur activité. Pour les gardes, les médecins ne bénéficient pas des droits pourtant prévus dans la loi (transport, nourriture, etc.). «La salle réservée aux résidents au CHU Mustapha est envahie par les rats. Elle est ouverte à tout le monde, notamment aux SDF,…les résidents sont obligés de tout supporter pour rester éveillés jusqu’au matin. Pis encore, ils ne sont pas payés pour les heures assurées», enrage un résident de l’hôpital algérois, affirmant que ses collègues sont contraints d’assurer des tâches qui ne sont pas de leur ressort (brancardier, déplacement des bilans des laboratoires, etc.). Selon les grévistes, les résidents font face à des difficultés en l’absence d’encadrement et d’équipements de qualité. Des centaines de résidents sont en prison et leurs diplômes leur ont été retirés. Des résidents en taule ! «Des collègues exercent parfois sans la présence de leur maître-assistant, avec tous les risques que cela comporte. A Batna, une résidente, qui a reçu une femme enceinte aux urgences, a été incarcérée pour homicide et son diplôme lui a été retiré. Le professeur, qui était absent du service et qu’elle avait pourtant pris la peine d’appeler pour des instructions, s’en est lavé les mains», s’indigne un délégué. D’autres problèmes pédagogiques sont signalés : retard dans l’examen de spécialité, retrait du code SNDL pour la recherche documentaire, etc. «Les résidents doivent avoir les mêmes droits que les autres étudiants en post-graduation et les travailleurs (bourse, hébergement, congés et stages scientifiques, primes). Il s’avère qu’ils sont considérés comme une catégorie à part, avec un service civil qui dure 3 ans, et le service national qui les touche, alors qu’une partie de la population en est exempté», s’étonne un délégué, qui évoque les retards dans les examens et la contrainte d’exercer en dehors des années théoriques. Les jeunes médecins sont, par ailleurs, indignés du traitement de faveur dont bénéficient leurs collègues étrangers installés «au mépris de la réglementation et du bon sens». «C’est le seul pays au monde où l’on accueille des médecins sans exiger d’eux une connaissance de la langue de la population, sans équivalence, sans responsabilité pénale pour des accidents qui pourraient se produire, mais avec d’énormes avantages (hébergement, chauffeur, traducteur, etc.) qui ne sont pas reconnus aux nationaux», s’emporte un délégué. Le malaise dans ce corps incite beaucoup à s’installer à l’étranger. «Les médecins algériens sont reconnus ailleurs comme de bons praticiens», signale un délégué qui met en avant la saignée qui a touché ce corps avec des départs en France, et depuis quelque temps en Allemagne ; d’ailleurs, «les instituts accueillent même des professeurs qui veulent apprendre la langue de Goethe avant de partir, preuve du malaise». Le Camra pourrait appeler à une grève illimitée dans les prochains jours. «On est obligés d’aller vers une grève illimitée», mettent en garde les délégués qui pourraient annoncer leur décision à partir de la semaine prochaine.

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