samedi 16 décembre 2017

Reporté au… 8 mars 2018

Très attendu, le procès du général à la retraite Hocine Benhadid a été renvoyé jeudi dernier au… 8 mars 2018. Le tribunal de Sidi M’hamed près la cour d’Alger n’a pas justifié ce deuxième report, «sans surprise» pour les avocats. Pour eux, «ceux qui sont derrière ce dossier misent sur le temps, parce qu’ils ont peur d’un procès public». Dès 9h, avant même que l’audience du tribunal de Sidi M’hamed près la cour d’Alger ne soit ouverte, le général à la retraite Hocine Benhadid, appuyé sur une canne et accompagné par des membres de sa famille mais surtout quelques-uns de ses anciens compagnons d’armes, a fait son apparition. Tiré à quatre épingles, il se dit «prêt» à affronter ce procès qu’il attend depuis plus d’une année. Il donne l’impression d’être très serein et à l’aise face à cette affaire qui a affecté beaucoup plus sa santé physique que son moral. Après le prononcé de plusieurs décisions des affaires mises en délibéré, le juge se retire et un autre le remplace. D’emblée, il appelle Hocine Benhadid, qui se lève doucement pour se diriger vers la barre, entouré de ses avocats, Mes Bachir Mechri et Mustapha Bouchachi. D’une voix très basse et la tête baissée, le juge annonce le report de l’affaire au… 8 mars 2018. «Nous nous attendions à une telle décision. Vous auriez dû nous le dire dès le début…», lance Me Mechri, sous le regard amusé du président. L’avocat se retire de l’audience, suivi par le prévenu, visiblement très déçu. Il semblait pressé de faire cette «importante déclaration», mais «ce n’est que partie remise», dit-il, avant que Me Mechri n’intervienne : «Ils ont peur d’un procès public. Ils savent qu’il n’y a rien dans le dossier. Ils misent sur le temps.» Lui emboîtant le pas, Me Bouchachi se dit «vraiment pas étonné» de cette décision. «Les initiateurs de cette affaire ne savent plus quoi en faire. La juger est un risque qu’ils ne veulent pas prendre. Regardez la facilité et la rapidité avec lesquelles Benhadid a été arrêté, auditionné durant des heures, placé sous mandat de dépôt et incarcéré durant des mois. Mais pour le juger, on prend tout le temps. Son dossier a été renvoyé devant le tribunal depuis plus d’une année, et lorsqu’il est enrôlé, il fait l’objet de deux renvois. Il y a quelque chose qui ne va pas», précise l’avocat. Me Khaled Bourayou revient sur les vices de forme «qui sont nombreux». Il relève d’abord l’absence de plainte et surtout de partie civile, qui «permet» au procureur de «qualifier les faits». Le général à la retraite est poursuivi en vertu de deux articles du code pénal, les 144 et 146, pour lesquels une sanction pécuniaire de 100 000 à 500 000 DA est prévue. «Le premier évoque l’outrage à la personne en exercice de ses fonctions, en l’occurrence le chef d’état-major et vice-ministre de la Défense nationale, Ahmed Gaïd Salah. Or, dans le dossier, il n’y a pas de plainte de ce dernier. Le second article évoque l’outrage à l’institution militaire, dont le premier responsable est le président de la République. Ces deux chefs d’inculpation ne peuvent être retenus ensemble et aucun des deux ne repose sur des faits avérés», explique l’avocat, qui regrette le renvoi du procès au mois de mars 2018, en disant : «Ils veulent jouer sur le temps.» A rappeler que le général à la retraite Hocine Benhadid avait été arrêté vers la fin du mois de septembre 2015, en plein milieu de l’autoroute à Alger, par des gendarmes qui l’avaient brutalement sorti de sa voiture pour l’embarquer dans l’un de leurs véhicules et l’emmener à la brigade de recherche de Bab Jdid, à Alger, où il sera entendu durant des heures avant d’être présenté au tribunal qui l’a placé sous mandat de dépôt, et incarcéré à la prison d’El Harrach, pour avoir fait, quelques jours auparavant, des déclarations enflammées à une chaîne de télévision émettant à partir de Londres, et un web radio, contre le frère du président, Saïd Bouteflika, le patron du FCE (Forum des chefs d’entreprise), Ali Haddad, et surtout contre le vice-ministre de la Défense nationale et chef d’état-major de l’ANP, le général de corps d’armée Ahmed Gaïd Salah. L’incarcération de cet ancien commandant de la 8e division blindée, qui était au premier rang de la lutte antiterroriste d-urant les années 1990, a suscité de lourdes interrogations, d’autant que la sortie médiatique de Benhadid n’était pas la première et que son contenu n’était un secret pour personne. De nombreux officiers supérieurs à la retraite avaient sévèrement critiqué le chef d’état-major de l’ANP, Ahmed Gaïd Salah, pour avoir permis au Président de briguer un 4e mandat en dépit de la dégradation de son état de santé. La réaction du vice-ministre n’a pas tardé. Par deux lois, il a imposé la censure à tous les militaires en fonction et à la retraite, mais aussi aux réservistes, c’est-à-dire à des millions d’Algériens... Au début du mois de juillet 2016, Benhadid quitte la prison d’El Harrach, après dix mois d’incarcération. Un mois plus tard, il réunit quelques journalistes auxquels il se confie. Pour lui, son incarcération «a été décidée» sur la base d’un «accord» entre El Mouradia (la Présidence) et les Tagarins (ministère de la Défense nationale). Au procès de jeudi dernier, il devait faire une déclaration importante, mais elle attendra le 8 mars prochain. «Il n’est pas seul dans cette affaire. Ceux qui l’ont traîné ici savent qu’il n’est pas seul. Ils ont peur de ceux qui se cachent derrière lui. Benhadid n’est pas n’importe quel cadre de l’armée. C’est un homme compétent et intègre. Ils sont des milliers à le soutenir et à lui rendre hommage pour son courage…», déclare un des anciens compagnons de Benhadid, présent à l’audience en signe de solidarité.  

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