mardi 23 janvier 2018

Approche autoritaire des conflits

Une vague de contestation secoue le pays depuis quelques semaines. Médecins résidents, paramédicaux, enseignants, d’anciens militaires et des employés du secteur économique, comme Air Algérie, sont en colère. Les premiers sont en grève depuis plusieurs mois, d’autres revendiquent leurs droits en organisant des marches sporadiques depuis plusieurs années. Cette colère qui monte de la société exprime des revendications sociales souvent légitimes. Si elle soulève des questions de fond liées à la gestion de plusieurs domaines d’activité, comme dans le secteur de la santé où la désorganisation et la mauvaise gestion ont atteint leur paroxysme, ou encore à Air Algérie dont le management ne répond à aucun critère de rationalité, il est évident aussi que les tensions sociales sont surtout maintenues et exacerbées par la manière dont sont traités ces dossiers par les pouvoirs publics. Alors qu’il fallait ouvrir immédiatement le dialogue avec les médecins résidents en grève depuis plusieurs mois, ils ont préféré les matraquer honteusement alors qu’ils organisaient une marche de protestation pacifique dans l’enceinte même de l’hôpital Mustapha Pacha à Alger. Les mouvements de protestation d’anciens militaires invalides ont été eux aussi maintes fois réprimés. Sans oublier la répression sauvage qui avait frappé les enseignants vacataires qui avaient marché de Béjaïa jusqu’à Boudouaou, suscitant un large mouvement d’indignation au niveau national. Tous ces mouvements sociaux auraient pu trouver des solutions par la voie du dialogue et de la concertation. Mais au lieu de privilégier cette manière civilisée de traiter les contestations sociales, les pouvoirs publics ont préféré se confiner dans les méthodes où ils excellent le mieux, celles de la répression et de la diversion. Une attitude obtuse qui conduit très souvent à l’exacerbation des conflits et à leur prolifération. Par manque de discernement ou par incompétence, les pouvoirs publics poussent au pourrissement des situations de conflit qui auraient pu trouver rapidement des solutions négociées sans que le service public n’arrive à être affecté de sorte à pénaliser le citoyen. Le conflit dans le secteur de la santé où les médecins résidents ont paralysé les activités de soins dans les centres hospitalo-universitaires n’aurait pas atteint ce niveau de tension si les autorités avaient pris au sérieux les problèmes qui y sont posés. Si l’on pense réellement que les revendications émises par les médecins résidents, tantôt liées aux droits sociaux tantôt à la très mauvaise gestion du secteur — le ministre de la Santé lui-même le reconnaît — sont légitimes, pourquoi n’a-t-on pas alors engagé dès le départ un dialogue sérieux et constructif avec les contestataires pour éviter la cacophonie que vit le secteur de la santé aujourd’hui et qui affecte dramatiquement le service public ? Avec juste un peu de bon sens, tous ces conflits sociaux auraient pu être résolus sans s’embourber dans un bras de fer interminable qui n’arrange ni ceux qui revendiquent ni le citoyen, encore moins la stabilité sociale du pays. Mais que peut-on attendre de responsables qui privilégient l’approche autoritaire dans la gestion des conflits à la mise en place des mécanismes de médiation sociale qui est à même de les éviter avant qu’ils n’éclatent ? La manière dont est organisé le dialogue social au sein de la tripartite, qui n’invite pas les syndicats autonomes, renseigne bien sur les méthodes des pouvoirs publics qui peinent à les reconnaître comme partenaires sociaux à part entière, sauf quand ils s’imposent comme tels à travers des mouvements de grève. Alors faut-il sortir dans la rue pour se faire entendre ? Peu perméables aux vertus du dialogue et de la médiation sociale, les autorités prennent le risque d’amplifier la contestation. Le front social qui est assis sur un baril de poudre peut bien prendre feu si les pouvoirs publics ne revoient leur approche.

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