Quel aveu… ! Est-ce une prise de conscience… tardive ? Le chef de l’Etat s’est-il rendu à l’évidence de «la pacification» à laquelle a été soumise la vie politique nationale et ses conséquences fâcheuses pour la vitalité du pays ? Un autre coup de bluff politique dont il est coutumier ? «La scène politique doit connaître une diversité, une confrontation de programmes et une course au pouvoir», concède-t-il dans son discours à l’occasion de la célébration de la Fête de la victoire. Un propos pour le moins absurde. Surréaliste. Il constate la glaciation politique dont le président Abdelaziz Bouteflika lui-même en est le principal responsable. Il ne fait pas de doute que cet «appel» est révélateur de l’état d’esprit d’un pouvoir politique ne sachant comment aborder l’élection présidentielle prochaine. Le silence politique national sur cette échéance décisive semble embarrasser le palais inhabité d’El Mouradia. Doit-on comprendre de ce discours que le rendez-vous 2019 sera ouvert, pluraliste et transparente. Comment le croire ? Quel crédit accorder à ce message présidentiel alors que le mystère demeure entier sur ses intentions ? Après quatre mandats présidentiels et un règne absolu, le chef de l’Etat s’est-il converti au pluralisme et à l’alternance ? Déroutant et fin manœuvrier, le chef de l’Etat est imprévisible. Cependant, l’impasse totale dans laquelle «s’abîme» le pays requiert d’urgence une mobilisation générale des énergies politiques dont dispose la nation pour préparer une sortie par le haut et écourter la souffrance nationale. Amorcer sereinement, sans heurts et franchement un processus de changement dans la nature du système de pouvoir. L’échéance présidentielle et les conditions de sa tenue peuvent et doivent constituer ce point de départ. Est-il besoin de rappeler que l’exercice du pouvoir en vigueur depuis 20 ans a conduit à l’extinction de la vie politique. La «diversité de la scène politique» et la «confrontation» programmatique ont été vigoureusement combattues. Les défenseurs des libertés politiques et les véritables acteurs du combat démocratique sont voués aux gémonies. Persécutés en permanence. Le pouvoir politique à travers ses instruments les plus pervers les a couvert d’opprobre. Pour ne laisser à la surface que les courtisans les plus zélés, devenus néfastes même pour les «politiques» qu’ils croyaient servir. Tous les moyens de l’Etat étaient mobilisés pour réduire au silence toutes les voies critiques. Les compétences nationales ont subi un processus d’exclusion sans précédent au profit d’une «élite» préfabriquée et factice. Le pouvoir sous le règne de Bouteflika a fait du mépris de la classe politique une règle de gouvernance. Durant ses quatre mandats, il n’a jamais conduit des consultations avec les représentants de la classe politique sur les questions qui engagent les «intérêts suprêmes de la nation». Les portes du palais d’El Mouradia sont restées fermées devant les acteurs de l’opposition politique. Soumise à rude épreuve, la presse indépendante est malmenée en permanence. Les acteurs sociaux et les corps intermédiaires n’ont pas non plus échappé à la logique répressive. Les rares ressorts de la société sortis indemnes de la période sanglante du terrorisme ont fini par lâcher sous les coups de boutoir de l’autoritarisme. La «course au pouvoir» évoquée par le chef de l’Etat est devenue une chimère. Une illusion à laquelle les plus crédules des politiques ne croient plus. Le président de la République ne supporte aucune compétition, encore moins une rivalité. Il s’est érigé en horizon politique indépassable. Dès la prise du pouvoir, il s’est employé à être l’alpha et l’oméga de la vie politique nationale. Il a poussé le présidentialisme jusqu’aux confins du monarchisme. Le pays est renvoyé au régime du parti unique. Il ne s’agit pas de faire le procès de l’homme, mais pour dire combien il est urgent d’éviter au pays l’irréparable. Il n’est pas trop tard, mais le temps presse. Il faut de la hauteur de vue, de transcender les clivages stérilisants et anesthésiants et dépasser les règlements de comptes politiciens. Il s’agit de redonner au pays son ambition et sa grandeur. La préservation de sa souveraineté n’est mieux garantie que par la démocratie et la liberté pleines et entières. En ce 19 mars de célébration, et au moment où le ministre des Moudjahidine prononçait le discours présidentiel à la gloire des héros de l’indépendance, Meriem Hedjab, belle et rebelle médecin résident embarquée par la police avec ses camarades en grève le jour-même, constatait la douleur nationale : «Ce qui me fais pleurer n’est pas la douleur de la blessure corporelle, mais c’est d’avoir le sentiment d’être trahie par mon pays le jour de la célébration de la Fête de la victoire. Tous mes rêves d’enfance se sont avérés des mirages.»
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