Le plus dur pour un travailleur professionnel du secteur de l’éducation n’est pas de subvenir aux besoins des siens, «mais de supporter l’injustice du statut des travailleurs qui prive des centaines de milliers de salariés de dépasser le salaire minimum garanti». Depuis quelques années, le salaire, limité au Snmg, est devenu obsolète sous l’effet de l’inflation. Mohamed Arezki H. est un père de famille dont le salaire mensuel ne dépasse pas les 18 000 Da. «Les plus chanceux de mes collègues touchent, avec l’ancienneté, jusqu’à 21 000 DA», tient-il à préciser. Mohamed Arezki est un ouvrier professionnel dans un établissement scolaire de la wilaya de Tizi Ouzou. Entre les tâches quotidiennes qu’il doit assumer comme agent de sécurité, et la veille sur le bon ordre au niveau de l’établissement durant les récréations, il est à la disposition de l’administration de l‘établissement. Sa journée commence avant l’entrée des élèves et ne se termine qu’une fois tout le personnel sorti. «Ce salaire de misère me permet de couvrir les achats mensuels en lait en sachet, pain, sucre, huile de table, café et semoule.» «Le poulet, c’est pour les occasions, la viande rouge, c’est uniquement pour les jours de l’Aïd.» Les familles des ouvriers professionnels de ce secteur vivent dans un dénuement total, ne pouvant se permettre ni fruits ni légumes, encore moins des loisirs payants. «Si vous avez de la pomme de terre dans votre panier, estimez-vous heureux», ajoute-t-il. Mais la plus grande hantise pour ces chefs de famille est le règlement des factures qui absorbent la majorité du salaire. Ainsi, selon ce père de famille habitant la wilaya de Tizi Ouzou, une grande partie de ses confrères se voient contraints de trouver des moyens de financement pour subvenir aux besoins des leurs. «Souvent surendettés, ces pères de famille, rongés par le souci de ne pas pouvoir honorer leurs dettes, s’engagent dans des travaux en bâtiment comme ouvrier durant les week-ends et les vacances, histoire de gagner quelques milliers de dinars en plus et se soulager du fardeau des factures ou autres dépenses pesantes», révèle ce travailleur. La fin de la semaine est donc porteuse d’opportunités d’activités parallèles. «Nous sollicitons les chefs de chantier de bâtiments pour nous embaucher. Cela nous fait un petit supplément pour le salaire, mais nous reprenons le travail le dimanche, épuisés», nous raconte-t-il. Mais cet arrangement ne convient pas à n’importe quel travailleur, parce qu’il faut disposer d’une bonne condition physique pour être «repris» par les entrepreneurs en quête d’une main-d’œuvre disponible. Ce qui fait peur à Mohamed Arezki H. est que «le gouvernement décide un jour de supprimer les subventions actuelles». Pour notre interlocuteur, la rentrée des classes, les fêtes de l’Aïd, les mariages et les anniversaires virent souvent en moments de tristesse. «Croyez-moi, il n’y a pas pire sentiment pour un père que de ne pas pouvoir assurer à sa fille adolescente la tenue qu’elle convoite des mois et des mois. Lire dans les yeux de cette dernière l’amertume de devoir porter les mêmes vêtements toute la semaine, alors que ses camarades se payent le dernier cri de la mode, tue à petit feu. Nous ne sommes pas des fainéants ou des paresseux, nous sommes victimes d’un texte de loi qui a préféré nous sacrifier pour assurer la paix dans le secteur de l’éducation.»
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