mardi 20 mars 2018

L’escalade

Le ton et les propos chargés de menaces utilisés samedi par le ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique, Tahar Hadjar, à l’encontre des médecins résidents en grève depuis plus de quatre mois, affichant sa détermination à sévir contre les grévistes, ne sont certainement pas l’antidote le mieux approprié pour faire baisser la fièvre qui a durablement affecté ou infecté le corps médical. Alors que l’on attendait de la part des pouvoirs publics une disponibilité à toute épreuve pour maintenir ouvertes les portes du dialogue – non pas seulement par le verbe et les professions de foi, mais par les actes et un effort d’imagination, de pédagogie constructif, des compromis acceptables par toutes les parties –, pour sortir de l’impasse actuelle, le ministre de tutelle a emprunté un discours de père fouettard qui ne fera que raviver davantage le feu de la contestation. Face à un mouvement de contestation inscrit dans la durée comme le pays n’en a jamais connu jusqu’ici, touchant de surcroît un secteur sensible comme la santé, il était attendu de la tutelle administrative et de l’autorité politique une posture empreinte de sérénité, privilégiant l’écoute, le dialogue constant et sincère, la confiance mutuelle qui est à la base de tout processus de dialogue fécond et constructif. Après la série de discussions infructueuses entre la tutelle et les représentants des médecins résidents en grève, qui n’ont pas abouti à des résultats notables sur le fond des revendications, dont notamment la question du service civil, le conflit qui entame son cinquième mois est entré dans un nouveau cycle, celui de la confrontation et de la surenchère. La réaction musclée des forces de sécurité à l’appel au boycott des examens du DEMS par les médecins résidents grévistes, qui s’est soldée par une cinquantaine d’interpellations, est le signe patent de l’échec du dialogue et de l’enlisement dans lequel se trouve englué le conflit. Les médecins grévistes ont aujourd’hui le sentiment que le dialogue tel qu’il est conduit par l’administration n’a d’autre objectif que de tenter d’absorber la contestation en œuvrant dans l’ombre pour le saborder afin de légitimer le recours à la force et la répression en diabolisant les médecins grévistes, présentés comme des fauteurs de troubles, des irresponsables qui ont pris en otage les malades. On n’éteint pas un feu avec de l’essence ! Les déclarations du ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique sommant les médecins résidents à rejoindre, à la date fixée par l’administration, les salles d’examen du DEMS, faute de quoi l’année leur sera débitée au solde crédit de leur cursus universitaire, ne sont certainement pas de nature à apaiser les esprits. Après le gel des salaires des médecins résidents – alors que ces derniers affirment assurer le service minimum et les gardes auxquelles ils sont légalement astreints –, après la menace de sanctionner les médecins résidents qui boycotteraient les examens de fin de cycle, les chances de parvenir à la résolution de ce conflit n’ont jamais paru aussi éloignées et aussi hypothétiques. C’est la porte ouverte à l’escalade. Et d’ailleurs la riposte des médecins contestataires ne s’est pas fait attendre. A l’appel du Camra (Collectif autonome des médecins résidents algériens), les résidents ont décidé de suspendre leur service de jour pour n’assurer que les urgences du soir et de la nuit, tout en menaçant d’une démission collective, si leurs doléances ne sont pas satisfaites. Il n’y a aucun doute que ce conflit finira bien un jour par trouver une issue et un compromis sérieux ou fragile, comme ce fut le cas pour le secteur de l’éducation. Sauf que dans la gestion des conflits, le facteur temps est vital, a fortiori quand il s’agit de la santé publique. Et cela, les pouvoirs publics ne semblent pas l’avoir compris.

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