Sept moines français, enlevés à Tibéhirine, en Algérie, en 1996, ont vraisemblablement été tués plusieurs semaines avant la date avancée dans une revendication d'islamistes algériens, selon une expertise judiciaire dont l'AFP a eu connaissance jeudi.
Seules les têtes avaient été retrouvées et leur analyse évoque l'hypothèse d'une décapitation après les décès qui avaient provoqué une vive émotion en France. Trois thèses coexistent pour expliquer ce crime: la version officielle algérienne d'un acte imputable au Groupe islamique armé (GIA), celle d'une bavure de l'armée algérienne, ou celle d'une manipulation des services militaires algériens pour discréditer le GIA ou se débarrasser des moines, enlevés dans leur monastère dans la nuit du 26 au 27 mars 1996, en pleine guerre civile.
"L'hypothèse d'un décès entre le 25 et le 27 avril 1996, tel qu'il est évoqué dans une pièce de procédure, apparaît vraisemblable", selon les conclusions de cette expertise datée de lundi et présentée jeudi aux proches des sept moines assassinés. Ce délai ne peut que renforcer les interrogations des familles, qui doutent de la thèse officielle.
Les auteurs d'un communiqué signé du GIA rendu public le 23 mai 1996 et daté du 21 avaient revendiqué les assassinats et affirmé avoir envoyé, le 30 avril 1996, "un messager à l'ambassade de France" pour "confirmer que les moines sont toujours vivants", ainsi qu'"une lettre qui précise la façon de négocier". Ces dates ne concordent pas avec l'expertise, dont les résultats ont été présentés jeudi aux familles par le juge antiterroriste français Marc Trévidic.
Autre élément troublant qui renforce la thèse d'une manipulation pour masquer les causes de la mort des religieux: les résultats des examens des têtes des moines plaident "en faveur d'une décapitation post mortem", selon l'expertise. Les têtes, retrouvées au bord d'une route le 30 mai 1996, ont sans doute été exhumées pour être de nouveau enterrées: "Les éléments botaniques et la présence de terre différente de celle du cimetière de Tibéhirine observés dans et sur les crânes sont en faveur d'une première inhumation", estiment les experts.
"En l'absence des corps" qui n'ont jamais été retrouvés, la cause des décès "ne peut pas être affirmée", mettent-ils toutefois en garde. "Il est retrouvé des lésions évocatrices d'égorgement chez trois d'entre eux, égorgement suffisant pour être à l'origine directe de la mort", notent-ils aussi.
En revanche, les têtes ne présentent pas de traces de balles, ce qui fragilise la thèse d'une bavure de l'armée algérienne qui aurait tué par erreur les moines en tirant depuis un hélicoptère sur un bivouac jihadiste. De même, les experts, qui s'étaient rendus en Algérie en octobre avec le juge Trévidic pour exhumer les têtes des moines, n'ont pas relevé "de lésions pouvant correspondre à des coups portés directement par objet contondant".
Mais, là encore, "en raison de l'absence des corps, il n'est pas possible de dire s'il y a eu (...) des mauvais traitements, coups ou tortures". Les experts regrettent que les autorités algériennes ne les aient pas laissés ramener les prélèvements faits sur place: "La transmission et l'exploitation des prélèvements réalisés lors de l'exhumation sont hautement souhaitables".
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