mercredi 1 juillet 2015

Les islamo-conservateur font reculer l’Etat

Un autre cadeau que le pouvoir fait au courant islamo-conservateur, tapi dans les institutions de l’Etat, et qui gravite autour de la Présidence et du Premier ministère.
Adopté par le Parlement au forceps, le projet de loi sur les violences à l’égard des femmes ne risque pas de sortir de sitôt du Sénat. Selon des sources bien informées, l’examen de ce texte a été tout simplement remis aux calendes grecques. «C’est le Premier ministre, Abdelmalek Sellal, en personne qui a pris la décision de ne pas programmer ce projet de loi ni à la session d’automne ni à celle qui lui succédera, à moins d’une décision surprise. Ce qui reste peu probable en raison des lourdes pressions exercées dans les rouages de l’Etat et au plus haut niveau de l’Etat, pour son retrait ou son gel», expliquent nos sources.

A les croire, le courant islamo-conservateur aurait mené une campagne de lobbying, en s’appuyant sur certains chefs de zaouïa, mais également de députés islamistes, du FLN, de sénateurs, qui voient dans ce texte un danger pour le système rétrograde qui leur permet de violenter l’épouse, la mère, la fille, la sœur, la collègue, la voisine et même les passantes dans la rue.

Lors de l’examen de ce projet de loi à l’assemblée nationale, les propos tenus par certains députés avaient choqué plus d’un. Pour eux, ce texte allait «faire éclater la famille» parce qu’il ouvre la voie «à toutes les femmes pour déposer plainte contre leurs maris». Leurs réactions étaient tellement violentes que le ministre de la Justice, Tayeb Louh, est sorti de ses gonds en déclarant : «J’ai deux filles et une femme dont la dignité doit être protégée.»

Geler le projet de loi

Des parlementaires islamistes sont allés jusqu’à culpabiliser les femmes victimes de violence, en laissant croire qu’elles méritaient leur sort. N’ayant pas pu bloquer le projet de loi au niveau de APN, les réfractaires ont constitué des réseaux assez solides en faisant appel à l’association des zaouïas, mais aussi à des «personnalités» qui gravitent autour de la Présidence et du Premier ministre, Abdelmalek Sellal.

Juste après l’adoption par l’APN, du projet de loi, au mois de mars dernier, le chef de l’Exécutif a reçu le député islamiste Hacène Laribi, auquel il a accordé près de deux heures de son temps. Une rencontre non médiatisée, mais dont le contenu a été vite rendu public par le député, qui était fier d’annoncer avoir convaincu le chef de l’Exécutif sur la nécessité de geler le projet de loi. Le cas de Hacène Laribi n’est pas isolé.

De nombreuses personnalités du courant islamo-conservateur, proche de l’alliance présidentielle, ont également interpellé le Premier ministre, qui finalement n’a pas trouvé mieux que de se désolidariser de son ministre, Tayeb Louh. Il a tout simplement sommé le président du Sénat, Abdelkader Bensalah, de mettre en veille, pour ne pas dire retirer la programmation du projet de loi sur les violences, dont l’examen devait avoir lieu durant la deuxième quinzaine du mois de mars dernier. Les sénateurs de l’avant-garde ne sont pas aussi nombreux pour peser de leur poids. Plus grave.

Certains évoquent des journées d’information sur le projet de loi, dans le but de sensibiliser les sénateurs récalcitrants sur son importance dans la protection de la cellule familiale. «Dans les couloirs du Sénat, on explique la non-programmation par le caractère non urgent de ce texte. Mais tous savent que les raisons sont ailleurs.

Certains ont proposé la tenue d’une journée d’information en direction des membres réfractaires, pour expliquer que les nouvelles dispositions constituent un arsenal de protection de nos filles, épouses, mères, sœurs et collègues, contre toutes les formes de violence qu’elles soient exercées dans l’espace public ou familial. Tout le monde sait que les statistiques des violences contre les femmes ont explosé ces dernières années et les plus exposées à ces agressions sont les femmes mariées.

Les chiffres officiels montrent également que le foyer, censé être un lieu de protection, est celui où la violence s’exerce le plus, et devant les enfants. Que deviendront ces derniers, si nous les laissons vivre dans un tel environnement ? Devrait-on se taire devant ces agressions physiques et morales dont font l’objet nos filles, nos mères et nos épouses, qu’elles soient voilées ou non, dans les bus, la rue et les lieux publics ?

L’Algérie a besoin de ce texte de loi. Nous avons fait le pas de l’adopter à l’APN, il n’y a pas de raison pour que le Sénat joue le rôle de censeur», déclare un des rédacteurs de ce projet de loi, sous le couvert de l’anonymat. Abondant dans le même sens, une autre source se déclare «désespérée» par la reculade des plus hautes autorités du pays qui se sont pourtant engagées, le 8 mars dernier, à renforcer la protection de l’espace familial des violences, notamment les femmes et les enfants, en promulguant des textes répressifs à l’égard des agresseurs.

Ce n’était malheureusement que des discours occasionnels, destinés à la consommation externe. Il est temps que la société civile et les militants des droits de l’homme se dressent contre ceux qui veulent imposer la «régression féconde», à travers le statut de mineur avec tout ce qu’il véhicule comme violence à l’égard de la dignité humaine, que l’on veut imposer à la moitié de la population algérienne.
 

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