samedi 1 août 2015

Les professeurs et docents avertissent contre «le populisme»

L’offensive menée par le ministre de la Santé contre des gestionnaires d’établissement public et des cliniques privées sonne, dans les oreilles du secrétaire général du Syndicat national des professeurs et docents en sciences médicales (SNPDSM), comme une position idéologique teintée de populisme.
 

Pour le Pr Nacer Djidjelli, les récentes déclarations de Abdelmalek Boudiaf, saluées par ailleurs par la plupart des acteurs du secteur, risquent de stigmatiser toute une profession sans toucher aux problèmes de fond qui ont contribué à la déchéance du système sanitaire. «Pas plus tard que ce matin, un patient, qui s’est vu refuser la prise en charge à cause de l’absence de réanimateur dans le service (à l’EPS Hassen Badi, ex-Belfort), nous a traités de tous les noms. Il nous a dit : ‘‘La gangrène des hôpitaux c’est vous les médecins.

J’ai entendu le ministre parler et vous êtes le problème de nos structures de santé’’», raconte le professeur. «Des sanctions tomberont dans les 48 heures», «déclarer la guerre aux pratiques iniques et non professionnelles», «le jeu est terminé», ces mots forts prononcés par le premier responsable du secteur à l’adresse des établissements privés peuvent créer un amalgame en emportant de fait «le bon grain et l’ivraie».

«Il ne s’agit pas de jeter le bébé avec l’eau du bain», dénonce Nacer Djidjelli. «Tous les propriétaires de clinique privée ne sont pas des opportunistes. Il y a des médecins, ayant travaillé durant des décennies, qui ont pris le risque de s’engager dans des crédits faramineux, qu’ils ne finiront peut-être jamais de rembourser pour ériger des établissements sérieux», témoigne-t-il en soutenant que 70% des actes chirurgicaux sont effectués dans les cliniques privées.

Au lieu de penser que ce taux important révèle l’impact négatif des structures privées sur celles publiques, le secrétaire général du SNPDSM y voit plutôt la conséquence de la faillite du secteur public. S’agissant de l’abrogation de l’autorisation de l’activité complémentaire pour le personnel des établissements de santé publique, le professeur regrette encore une décision qui risque de faire fuir les compétences au lieu de leur donner une bouffée d’air. «Ce sont des décisions qui ne sont pas applicables et les responsables le savent. Pourquoi permettre à des privés d’investir dans la santé et les empêcher de recruter.

Car il faut savoir que devant la rareté de la ressource humaine qualifiée, cette mesure va dépouiller un secteur ou un autre (le privé ou le public)», avertit-il. Prônant l’application stricte de la réglementation, «seuls les fauteurs doivent payer», le Pr Djidjelli qualifie de «poudre aux yeux» les dernières décisions du ministre qui, selon lui, ne touchent pas au fond des problèmes qui handicapent le secteur de la santé en entier.

Pour ce praticien, quatre axes majeurs doivent impérativement être pris en considération pour aller vers une politique de santé cohérente. Il insiste d’abord sur l’autonomie des structures hospitalières. «On ne peut demander à un gestionnaire de rendre des comptes alors qu’il a les mains liées. Un directeur d’hôpital ne peut même pas recruter une femme de ménage, un infirmier ou un médecin sans passer par des voies centrales. Il ne peut pas disposer de son budget. Ici, dans ce service (pédiatrie), on est sans réanimateur depuis longtemps et le directeur ne peut pas en recruter», dénonce-t-il. Seconde recommandation : le financement de la santé. Pour notre interlocuteur, il faut savoir raison garder. «On ne peut pas réclamer la qualité des soins de pays qui dépensent entre 6000 et 12 000 dollars par habitant alors qu’on est à 280 dollars», argue-t-il. Pour pallier cette défaillance budgétaire, il prône – troisième impératif –  l’annulation de la gratuité des soins. Une requête difficile à satisfaire, car elle nécessite une décision politique courageuse.

«Ce sont les gens aisés et ceux qui ont les épaules larges qui bénéficient le mieux de cette gratuité. Il faut trouver des formules. Faire payer au tarif réel les gens qui le peuvent et prendre en charge les nécessiteux», prêche-t-il. Pour le dernier axe, le Pr Djidjelli insiste sur la formation de la ressource humaine : «Il faut mettre en place un numerus clausus. Ils ont recruté en masse au détriment de la qualité. Il n’y a même pas de formation pour les infirmiers, c’est une calamité.» Malgré les motions de soutien des principaux acteurs du secteur de la santé, praticiens et responsables syndicaux, aux récentes décisions et déclarations du ministre de la Santé, et au-delà des effets d’annonce, les problèmes qui gangrènent le secteur de souveraineté qui est celui de la santé sont nombreux et alambiqués.

Même si une nouvelle loi est aux fourneaux pour tenter de cadrer ce qui peut encore l’être, la santé en Algérie nécessite un véritable plan Marshall et une nouvelle politique cohérente, concertée et produite non pas par arrangement, mais de manière scientifique, raisonnée et audacieuse, loin de toute perception idéologique et surtout populiste.
 

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