Parodie de Parlement ! Le très controversé projet de loi des finances 2016 (PLF) est finalement passé à l’Assemblée populaire nationale (APN) quasiment tel que voulu et conçu à la base par le pouvoir exécutif. Nul amendement notable n’y a été apporté, malgré certaines dispositions aux limites des usages démocratiques de séparation des pouvoirs. Au-delà de quelques choix économiques qui peuvent être contestés pour leur caractère libéral et même des quelques relèvements de taxes grevant la consommation et le pouvoir d’achat des ménages, le PLF 2016 franchit en effet une nouvelle étape dans le jeu de la concentration des pouvoirs, en laissant désormais la possibilité de réviser les budgets votés à la seule discrétion du gouvernement. L’article 71 dudit projet de loi offre ainsi à l’Exécutif le pouvoir de décider à tout moment de geler ou d’annuler des financements de projets, sans avoir à consulter préalablement le Parlement. Qualifiée à juste titre, d’acte de violation de la Constitution par une partie de l’opposition qui, du reste, a fini par boycotter la séance de vote, cette disposition a pourtant été retirée d’entrée de jeu par la commission des finances de l’APN, avant d’être pernicieusement réintroduite dans sa forme initiale et à la surprise générale. A peine «reliftée», la mesure en question est remise sur le tapis comme étant amandée, pour être au final approuvée telle qu’énoncée au départ dans le texte initial du PLF 2016. Au sens de cet article qui, sauf miracle, ne risque plus d’être retouché, l’Exécutif a désormais toute la latitude de recourir à «des décrets d’ajustement» sur simple rapport du ministre des Finances, «en cours de l’année», pour prendre en charge, «par le gel ou l’annulation de crédits destinés à la couverture de dépenses, une situation d’ajustement nécessaire en cas de détérioration des équilibres budgétaires généraux». En clair, le gouvernement pourra décréter, à tout moment, une sorte «d’état d’urgence budgétaire» — en cas de nouvelles chutes des prix du pétrole essentiellement — pour s’autoriser, sans passer par l’élaboration d’une nouvelle loi de finances complémentaire ou initiale, de geler ou d’annuler certains crédits ou dépenses prévus initialement dans le budget voté par le Parlement. Très explicite, l’exposé des motifs qui accompagne cette mesure souligne clairement que ce mécanisme accordera à l’Etat la possibilité d’intervenir «promptement, précédant la loi de finances complémentaire ou de l’année, pour agir ou réagir aux éventuelles situations susceptibles de se présenter conséquemment aux impacts de variables et de facteurs exogènes». Que reste-t-il donc à l’Assemblée nationale en guise d’attributions ? Après avoir acquiescé à la volonté du gouvernement de fixer et d’approuver par lui-même ses propres choix budgétaires, sans avoir à solliciter son approbation, sans doute est-elle vouée à se transformer en une nouvelle coquille vide à l’instar du Sénat.
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