lundi 25 janvier 2016

«Le DRS s’est beaucoup politisé»

- Quelle lecture faites-vous de la situation politique en Algérie, notamment après les derniers changements opérés dans la haute sphère de l’Etat ? L’efficacité de la lutte contre les groupes terroristes dépend de l’information. D’où l’impératif d’avoir un service de renseignement efficace. L’étude des organisations terroristes actives dans le monde, entre 1968 et 2006, montre que la majorité d’entre elles ont mis fin à leurs activités suite au travail de la police et des Renseignements, qui a permis leur neutralisation pure et simple et l’arrêt de leurs responsables et leaders (40%), ou suite à l’intégration de ces organisations dans le jeu politique (43%). Durant la guerre froide, il était commun et logique de vanter le «pouvoir égalisateur de l’atome». Aujourd’hui, étant donné la nature de l’ennemi et la lutte contre le terrorisme, on peut parler de «pouvoir égalisateur de l’information». L’information est le pouvoir. Comment s’en servir est, voire plus important que l’information elle-même. Etant donné la dépendance des grandes puissances de systèmes basés sur la technologie, l’information est la meilleure carte qui s’offre aux petits Etats, comme l’Algérie, pour faire prévaloir une place privilégiée dans le concert des grandes puissances et renforcer leur influence et leur pouvoir de négociation pour appuyer ses objectifs dans d’autres domaines, notamment économiques. Une source de la CIA explique que l’Agence était incapable d’empêcher les attaques du 11 Septembre 2001 parce qu’elle ne disposait pas d’espion au sein d’Al Qaîda. «Si seulement, a-t-il dit, nous avions eu un homme sur le rocher à côté d’Oussama Ben Laden, étudiant ses pensées, ses plans.» Pour l’Algérie, avoir sa voix au chapitre signifie être l’«homme sur le rocher». - Quelles sont, selon vous, les raisons qui ont abouti à la dissolution du DRS ? Les modifications sont normales bien qu’elles interviennent dans un contexte particulier. Les institutions s’adaptent aux menaces externes et internes. Aujourd’hui, les groupes (AQMI et autres) actifs au Sahel et en Libye sont ceux qui présentent le vrai danger par rapport aux groupes résiduels sur le territoire national. D’où l’intérêt de réorienter les structures existantes, créées durant les années 1990, dans un contexte particulier, pour faire face à des dangers aux multiples sources. La prise d’otages de Tiguentourine était un tournant dans la lutte contre le terrorisme au sens où le traitement sécuritaire en est venu à être subordonné à l’approche militaire. Désormais, il s’agit d’identifier les terroristes, les localiser, les chercher et neutraliser. Par conséquent, l’armée est devenue un acteur-clé. Le DRS s’est beaucoup politisé. Il a pris un poids considérable dans la vie politique algérienne. Et cela est devenu intenable. Dans un Etat démocratique moderne, les rapports militaire-politique sont soumis à ce que l’on appelle «relations civilo-militaires», c’est-à-dire la subordination du militaire au civil au service du politique. En outre, la centralisation du Renseignement va dans la bonne direction pour pouvoir partager l’information en temps réel. - La dissolution de ce corps de sécurité signifie-t-elle la disparition de la police politique en Algérie ? La situation actuelle n’est pas une situation normale. A moyen terme (5 à 10 ans au plus), le paysage politique algérien sera profondément transformé. Par définition, durant ces périodes de transition, tout est fluide et instable. Actuellement, la société algérienne est traversée par des visions différentes de l’avenir, auxquelles s’ajoutent des conflits d’intérêt. Le discours politique a changé et le choix démocratique semble irréversible. Le pouvoir en est conscient. Mais les institutions sont plus démocratiques que les hommes. L’implication et la maturité de la société civile seront déterminantes dans les choix futurs du pouvoir.

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