Le Rassemblement Action Jeunesse (RAJ) a inauguré hier sa web radio. Avec la grille proposée sur internet, RAJ espère combler le vide affiché par les supports classiques. L’occasion était pour cette association d’organiser une conférence sur la situation de la liberté de la presse en Algérie. Karim Kebir, journaliste au quotidien Liberté, estime que la presse indépendante, qui a su s’imposer en alternative à la presse unique, après l’ouverture grâce à la loi Hamrouche, traverse aujourd’hui une situation de dégradation. Pour M. Kebir, «Bouteflika, qui pensait depuis son arrivée au pouvoir que tout ce qui relevait de l’activité partisane, des médias, des syndicats et de la société civile était l’œuvre des Services, a tout fait pour tout neutraliser», explique le conférencier. Le pouvoir a donc actionné sa machine redoutable avec le monopole sur la publicité en distribuant gracieusement la manne publicitaire à des titres «fantômes» et en privant ceux insoumis au pouvoir. Ajouter à cela, explique M. Kebir, la multiplication des titres avec 150 quotidiens pour créer une confusion totale sur la scène médiatique et empêcher ainsi toute visibilité économique ou politique. La situation actuelle présente de véritables préoccupations sur le devenir de la presse indépendante en Algérie avec un risque de recul sur des acquis en matière de libertés, arrachés et défendus par des femmes et des hommes du secteur qui ont payé de leur vie. Hmida Layachi, journaliste et écrivain, retrace le chemin fait par la presse algérienne depuis des décennies. Le directeur de deux publication — Djazair News et Algérie News —, «fermées» pour soi-disant des dettes d’impression, au lendemain du lancement du mouvement Barakat qu’il a soutenu, rappelle que le sort réservé à la presse au lendemain de l’indépendance était pire que durant la période du colonialisme. «Le soulèvement d’Octobre 1988, qui a donné naissance au pluralisme, a permis à de jeunes journalistes de tenter une belle aventure intellectuelle, engendrant ainsi plusieurs publications dans les deux langues», ajoute Hmida Layachi, soulignant que «ce printemps n’a duré que deux ans. Durant la décennie noire, les journalistes étaient utilisés par les deux camps éradicateurs et réconciliateurs». Et d’ajouter que «les réactionnaires sont aujourd’hui en train de criminaliser Octobre 1988, en réduisant ce soulèvement à une banale lutte de clans». Ces réactionnaires, estime, M. Layachi se déploient, aujourd’hui pour museler la presse, «non pas sous la casquette militaire, mais avec des hommes d’affaires ne produisant aucune valeur ajoutée, mais qui ont mis la main sur toute la production intellectuelle». Hacen Ouali, du quotidien El Watan, relève les incohérences de la loi sur l’information de 2012, «constituée de dispositions liberticides et opaques». Le journaliste cite l’exemple de la mise en place de l’Autorité de régulation de l’audiovisuel (ARAV), régulant des chaînes étrangères «off shore», le champ audiovisuel étant toujours fermé. Le journaliste d’El Watan axe son intervention sur le recours à la justice pour museler les journaux et fermer toutes les formes d’expression. Il citera dans ce contexte l’affaire El Khabar. «Le ministre de la Communication a engagé une affaire en justice pour faire annuler le rachat de ce quotidien par le groupe Cevital qui a toujours été dans le viseur du pouvoir alors que M. Grine n’a ni le droit ni la qualité pour le faire», selon H. Ouali. Ce dernier appelle les journalistes à «briser la muraille se dressant entre les professionnels des deux secteurs privé et public, pour ré-accaparer justement ces espaces d’expression financés par l’argent des Algériens et qui doit donc s’adresser à eux».
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