mercredi 4 mai 2016

Un juge de la Cour suprême muté à… In Guezzam

La première sanction contre l’organisation éventuelle d’un cadre de défense des magistrats vient de tomber. Hier, le juge Tahar Tir, de la Cour suprême, a été muté au tribunal de… In Guezzam, à près de 2000 km au sud-est du pays. Qualifiée de dérive, la décision suscite la colère. Un mouvement de protestation se prépare. Connu par ses pairs pour sa droiture et surtout son engagement pour la défense de l’indépendance des magistrats, le jeune juge Tahar Tir, de la Cour suprême, vient d’être muté en tant que procureur adjoint au tribunal d’In Guezzam, à l’extrême sud-est du pays, à plus de 2000 km de la capitale. La décision a été notifiée à l’intéressé en fin de journée, après avoir fait le tour des tribunaux et cours. Elle aurait pu passer inaperçue si elle avait été prise dans d’autres circonstances. Qualifiée de «sanction» par nombre de juges, elle intervient bizarrement quelques jours seulement après la médiatisation du projet de création d’un nouveau syndicat des magistrats. Cette initiative, qui est encore au stade de la réflexion, nous dit-on, vise non seulement à prendre en charge les préoccupations socioprofessionnelles des magistrats, mais aussi la réhabilitation de leur métier ainsi que leur indépendance. L’idée a démarré d’un simple forum ouvert uniquement aux jeunes juges pour évoquer leurs préoccupations socioprofessionnelles. Elle a fini par s’imposer comme une réalité à laquelle des centaines d’entre eux ont adhéré. Pour stopper cet élan de plus en plus grandissant, la chancellerie n’a pas trouvé mieux que de sanctionner Tahar Tir, pensant certainement qu’il était à l’origine de l’initiative. Sorti de l’Ecole de la magistrature il y a à peine quatre ans, il avait été installé à la Cour suprême à sa demande et ne s’attendait certainement pas à une mutation dans de telles circonstances. Hier  matin, lorsque la rumeur de cette décision a fait le tour des tribunaux, lui n’y croyait pas. Ce n’est qu’en fin de journée, lorsqu’il a reçu la notification, qu’il réalisa la situation. Il venait de perdre son poste sans aucune explication. «Pourtant, l’initiative de lancer un nouveau syndicat ne provient pas de lui, mais de toute une corporation», révèlent certains magistrats avec lesquels nous nous sommes entretenus. Ils disent «regretter» de telles réactions et expriment leur «inquiétude» face à cette décision qu’ils qualifient de «dérive». Ils expliquent : «Le droit de rapprochement a toujours été respecté par la chancellerie. Or, Tir a été envoyé à In Guezzam, alors que son épouse exerce toujours en tant que magistrate au tribunal de Chéraga. Comment peuvent-ils décider de violer ce droit et séparer le couple sans aucune raison valable ? C’est du jamais vu. Pour nous, il s’agit tout simplement d’une dérive…» Une «dérive», disent nos interlocuteurs, qu’il «n’est pas question de laisser passer. De nombreux magistrats sont prêts à exprimer leur colère. Pour l’instant, certains ont proposé d’organiser un rassemblement samedi prochain devant la Cour suprême ou le ministère de la Justice. L’idée a été validée, reste à décider incessamment du lieu et de l’heure». Visiblement, la sanction dont fait l’objet Tahar Tir risque d’être la goutte d’eau qui fera déborder le vase parce qu’il s’agit de défendre un principe inaliénable : celui lié au droit syndical et à l’indépendance du juge dans l’exercice de son métier.  

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