Les bijoutiers d’Adrar, au nombre de trente, sont entrés en grève illimitée, depuis lundi dernier, en guise de protestation contre des verbalisations jugées «injustes et très excessives». Celles-ci oscilleraient entre 250 millions et 600 millions de centimes. En effet, suite à un contrôle inopiné effectué la veille par une brigade mixte d’inspection des prix, composée d’inspecteurs du commerce, des impôts et de la douane, ces commerçants, souvent assimilés à des «vendeurs de luxe», se sont vu infliger chacun une amende pour le motif de non-présentation de factures de leurs marchandises. Soit pour les produits exposés à la vente et même ceux se trouvant à l’intérieur des coffres, selon les dires des grévistes. Cependant, ces derniers ne contestent pas la pénalisation dans sa forme, mais plus exactement la valeur des contraventions. Une taxation qu’ils considèrent relevant autant de «l’arbitraire» que de «l’absurdité et de l’imaginaire». Dans ce sens, leur représentant nous dira : «On a toujours connu par le passé des contrôles sur nos bijoux de la part des inspecteurs de la DCP, où l’on s’est aussi fait verbaliser. Mais ces contraventions ne dépassaient guère les 50 000 DA. Et puis, pour certains contestataires qui refusaient l’amende, ils préféraient aller devant les juges, où souvent ces pénalités sont soit revues à la baisse où carrément annulées après présentation de justificatifs.» Puis il enchaîna avec un ton plus sévère : «Cette fois-ci, les inspecteurs ont été d’une attitude plus arrogante lors de leur introduction dans nos locaux où ils ont procédé à un ratissage plutôt qu’à une fouille, comme si nous étions des délinquants. Là, ils ont passé à la balance toute la marchandise exposée à la vente et même celle contenue dans nos coffres. Pour celle-ci, il s’agit surtout de bijoux mis en gage par nos clientes contre des prêts et qui ont été aussi pesés et taxés. Et puis, on se demande si c’est légal de fouiller nos coffres et de verbaliser des produits non destinés à la vente. Est-ce qu’on n’a pas le droit de garder des bijoux personnels dans nos commerces ?» Et en ce qui concerne le fond du problème, qui est la taxation, il nous affirmera : «Cette fois-ci, on a été taxés à 80% sur la valeur du produit non facturé. A titre d’exemple, pour 400 gr d’or, l’amende est de 140 millions de centimes ; pour 750 gr, elle s’élève à 260 millions de centimes ; enfin, pour 120 gr, cette amende est de 46 millions de centimes. Une contravention qui dépasse le prix de revient de l’article et même le capital du petit bijoutier. La majeure partie de notre matière première nous vient de l’or cassé que les clients nous proposent ; alors, d’où veulent-ils qu’on ramène des factures ? Les artisans bijoutiers eux aussi nous vendent sans reçus.» Ensuite, en chœur, ils rejettent la faute sur les pouvoirs publics : «Ecoutez, l’Etat devrait s’organiser avant de s’attaquer à nous qui sommes le dernier maillon de la chaîne. Depuis les années 80’, l’Etat a fermé ses comptoirs et ne vend plus d’or. Cela fait près de 40 ans que tous les bijoutiers d’Algérie fonctionnent dans le noir total, sans que le pouvoir ne s’inquiète. Tout le monde fréquente les bijouteries, surtout les hauts fonctionnaires de l’Etat, qui n’ont jamais bougé le pouce contre cette profession. Alors, on se demande si cette instruction venue d’en haut concerne uniquement les bijoutiers ou même les autres commerces. Et si c’est le cas, alors pourquoi ils ont commencé par nous ? Nous, au moins, nous sommes à jour avec les impôts, la Casnos, etc.» Toutefois, ces bijoutiers ont observé un sit-in, lundi, devant le siège de la DCP, avant d’être reçus par le premier responsable du secteur qui, selon nos interlocuteurs, leur a expliqué qu’il s’agit d’une instruction parvenue de la tutelle, à savoir le ministère du Commerce et qu’il ne peut rien y faire. Et s’ils n’obtempèrent pas et refusent de payer, leurs dossiers seront transférés au tribunal. Par ailleurs, nous avons tenté de connaître la version de la DCP, hier jeudi, mais le directeur était engagé dans une réunion de travail au niveau de la wilaya. Mais cette grève n’est pas sans incidences sur certains clients. Un bon nombre d’entre eux n’ont pas pu récupérer leurs bijoux alors qu’ils ont programmé des mariages ou des fiançailles pour ce week-end. D’autres mères de famille qui espéraient elles aussi pouvoir gager ou vendre un petit bijou afin de satisfaire aux besoins de la scolarité de leur progéniture ont été pénalisées par ce mouvement de grève.
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