Le prix de la baguette du pain ordinaire est passé, depuis avant-hier, à 15 DA, augmentant de 50% d’un coup, dans pratiquement tout le pays. La décision a été prise le 28 novembre dernier lors d’une assemblée générale des représentants des fédérations de boulangers, affiliées à l’Association nationale des commerçants et artisans (ANCA), tenue à Bou Ismaïl. Les présidents des fédérations de 36 wilayas ont signé un procès-verbal d’augmentation à mettre en application dès le vendredi 1er décembre. A Annaba, qui n’y était pas représentée, l’augmentation a déjà été mise en œuvre il y a une vingtaine de jours et sans bruit, avons-nous appris. A Béjaïa, les membres de la fédération des boulangers se sont réunis la veille de l’augmentation et le nouveau prix a été appliqué un peu partout dans la wilaya, à l’exception de certaines boulangeries qui n’ont pas encore donné suite à la décision et qui ne risquent pas de tarder à suivre. Les boulangers ont décidé de passer au prix de 15 DA pour la baguette de pain dit ordinaire, qui sera livrée aux épiceries, restaurants et à tous les établissements étatiques et privés désormais à 13,50 DA. Tandis qu’elle devient chère, elle perdra un peu de son poids, puisqu’elle ne pèsera plus 250 grammes, mais 200 grammes. Ainsi, la baguette perd peu à peu de son poids, 100 grammes en tout, puisque lorsqu’elle se vendait à 5 DA, avant 1996, et pesait 300 grammes. Les consommateurs ont accusé le coup en consentant à payer plus cher leur pain quotidien sans aucun mouvement de désapprobation notable, si ce n’est qu’on a fait la moue à la lecture de l’avis de l’augmentation placardé dans certaines boulangeries. Les réactions se sont limitées aux réseaux sociaux, où l’on a regretté que le consommateur reste l’éternel dindon de la farce. Sur le terrain, des contrôleurs des prix ont rendu visite à certaines boulangeries dans la ville de Béjaïa et à Amizour et convoqué des boulangers pour s’expliquer sur l’augmentation. Le bras de fer est engagé entre ces derniers et l’administration du commerce, qui recevra aujourd’hui une délégation de la fédération intraitable et décidée à maintenir l’augmentation, quitte à déclencher un mouvement de grève. C’est ce que nous apprenons de Mebarki Rafik, le président de la fédération des boulangers de Béjaïa. Pour le directeur du commerce, l’augmentation est illégale, d’autant qu’elle concerne un produit subventionné par l’Etat et aggravée par une diminution du poids de la baguette. En intervenant sur les ondes de la radio locale, le responsable a annoncé des «mesures» à l’encontre des boulangers et rappelé que le dossier est sur la table du ministre du Commerce. «Nous nous rendrons à la DCP pour éviter que le problème ne dure», nous dit M. Mebarki, président de la fédération depuis 2012, qui estime que l’augmentation n’est pas de 50%. «Le prix de revient de la baguette est de 13 DA», assure-t-il. Selon lui, l’augmentation a été décidée après «l’échec des autorités à solutionner le problème de la marge bénéficiaire». Le problème s’est posé en 2013, au lendemain du passage du prix de la baguette de 7,5 DA à 10 DA. «L’augmentation de 2013 était juste pour donner un peu de souffle aux boulangers, elle n’a pas réglé le problème», assure notre interlocuteur, qui soutient qu’à 10 DA la baguette, le boulanger «n’arrive pas à payer les redevances de la CNAS et de la Casnos». En 2013, l’ANCA a été tranquillisée par les assurances du ministre du Commerce de l’époque, Mustapha Benbada, qui a consenti à l’augmentation. Les directions de wilaya du commerce avaient été instruites de laisser faire, affirme notre interlocuteur. Cette fois-ci aussi, les déclarations du ministre du Commerce, Mohamed Benmeradi, assurant de prendre en charge le dossier et de trouver une solution dans les prochains jours, donnent de l’assurance aux boulangers qui s’attendaient au silence des DCP, tout en étant convaincus que les consommateurs «se sont préparés à cette augmentation». Comme celle de 2013, celle-ci est voulue provisoire. «Nous attendons la solution définitive», nous dit M. Mebarki pour qui la subvention de l’Etat «profite aux minotiers». «La farine destinée au pain est donnée aux poissons dans le cadre de l’élevage halieutique, et fait l’objet de contrebande», dénonce-t-il. «Les minotiers ne favorisent pas les boulangers, ils la cèdent aux plus offrants», ajoute-t-il, suggérant que la spéculation et le trafic pointés du doigt ont gonflé le prix de la farine subventionnée qui se vend, selon lui, à 2300 DA le quintal. «Vous voulez qu’on vende la baguette à 7,50 DA ? Revenons à avant 1996 lorsque le SMIG était à 4000 DA», invite Mebarki Rafik, qui se plaint que le boulanger n’est pas compris. «Nous subissons des injustices de partout, nous sommes devenus des indésirables. A mon âge, pourrais-je changer de métier ?» s’interroge-t-il. Quelque 150 boulangers exercent dans la wilaya de Béjaïa. La majorité d’entre eux ont signé une pétition en 2016 pour vendre plus cher la baguette de pain. Ils passent à l’acte cette fois-ci en appliquant une augmentation qu’ils ont convenue une première fois d’appliquer le 1er janvier 2018, année de toutes les augmentations. Ils l’ont fait un mois plus tôt pour devancer leurs collègues de l’autre syndicat, l’UGCAA, qui avaient prévu de passer à 12 DA le début de l’année prochaine.
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