jeudi 14 décembre 2017

La trésorerie des entreprises mise à mal

Sous le coup d’une dépréciation aussi soutenue, les entreprises de production cumulent les pertes et les revers en matière d’investissement. Les tendances vers l’érosion monétaire, qui durent depuis la mi-2014, font avaler des couleuvres aux producteurs, pris en tenaille entre le renchérissement des intrants, la perte du pouvoir d’achat des consommateurs et des marges de manœuvre très restreintes en réaction à la forte dépréciation du dinar. Inquiets des conséquences de cette érosion monétaire sur la trésorerie de leurs entreprises, des patrons, chacun dans son domaine d’activité, affirment être pieds et poings liés face à une situation qui dérape ; un dollar valait en moyenne 78 DA à fin juin 2014 contre 120 DA cette semaine, alors que l’euro est passé de 107 DA à fin juin 2014 à près de 142 DA cette semaine. Sous le coup d’une dépréciation aussi soutenue, les entreprises de production cumulent les pertes et les revers en matière d’investissement. «Nous subissons la dévaluation de la façon la plus agressive», tempête Slim Othmani, président du conseil d’administration de NCA Rouiba, une entreprise spécialisée dans la fabrication de boissons fraîches. L’érosion du dinar face aux principales devises a fait subir à son entreprise une perte sèche de 170 millions de dinars cette année. «Dans une économie normale, on aurait pu répercuter la dévaluation de la monnaie sur le produit final. Mais nous sommes confrontés à une forte concurrence du marché informel qui, lui, supporte parfaitement le choc de la dévaluation du fait qu’il ne paie point l’impôt et n’est nullement confronté aux mêmes coûts en termes de production», explique le patron de la NCA Rouiba pour qui seul un effort d’innovation managériale pourrait limiter les dégâts. La perte de change a obligé NCA Rouiba à faire attention aux dépenses, à élever les scores en matière de production et de productivité. Outre le casse-tête de l’informel, les producteurs de boissons disent faire face à l’érosion du pouvoir d’achat des consommateurs qui, eux aussi, accusent le coup de la dépréciation du dinar amorcée depuis la mi-2014. Fragilisés eux aussi par la déroute du dinar, les producteurs de médicaments crient de douleur et réinventent chaque jour le management opérationnel pour continuer d’exister. «L’industrie pharmaceutique souffre plus que tous les autres secteurs de cette dévaluation, pour une raison simple, c’est que nous ne pouvons pas augmenter nos prix, ces derniers étant fixés par voie réglementaire. Certains, par ailleurs, n’ont pas augmenté depuis plus de 10 ans. Tous nos intrants ont augmenté de plus de 30% et nous n’arrivons toujours pas à augmenter nos prix, ce qui nous conduit inexorablement vers l’abandon de certains d’entre eux», regrette pour sa part Nabil Mellah, patron des laboratoires Merinal. Face au caractère corrosif de cette érosion monétaire, l’Etat était jusqu’ici aux abonnés absents renvoyant sine die ses mesures monétaires en faveur des entreprises sinistrées. «Il n’est plus possible en 2017 de commercialiser un médicament au prix de 33 DA, soit 23 centimes d’euro ! A cela il faut ajouter le fait, par exemple, que nous avons été amenés à réduire nos investissements futurs étant donné que, du fait de la perte de la valeur du dinar, tous les équipements connaissent un surcoût de l’ordre de 30%, et ce, encore une fois, sans que nos prix puissent être revus à la hausse», souligne Nabil Mellah. Les investisseurs sont de plus en plus nombreux à quitter la route. «Si notre entreprise, qui existe depuis plus de 15 ans et qui met sur le marché plus de 50 millions de boîtes de médicaments par an, commence à peiner face à ces dévaluations, les entreprises en plein lancement doivent en souffrir bien davantage et même risquer leur viabilité», témoigne le patron des laboratoires Merinal. C’est dire que le temps est pour le moins morose pour les investisseurs, pris en tenaille entre une dévaluation corrosive et une visibilité quasi nulle. Face à ce manque d’investissement qui se fait ressentir, à l’heure où l’impératif de croissance n’a jamais semblé aussi pressant, la Banque centrale tente un dispositif monétaire qui a pour but de prémunir l’investissement et l’entreprise des risques de change.  

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