Détenteur d’un DEA d’épistémologie et d’histoire de la pensée économique obtenu à Paris, Malik Aït Ouadia est une sorte de «Michael Moore algérien».
Son pedigree : coréalisateur avec Séverine Labat pour France 5 et France 3 de Autopsie d’une tragédie, Algérie 1988-2000, une série documentaire de trois fois 52 minutes, Vol AF 8969, histoire secrète d’un détournement.
Il est aussi auteur de films documentaires pour «Le Droit de savoir» sur TF1, rédacteur pour l’émission politique «Mots Croisés» présentée par Arlette Chabot et Alain Duhamel.
Comment est née chez vous cette passion et cette fibre documentaire ?
C’est en essayant de comprendre et d’expliquer, de donner explications et donner aux autres qui n’ont pas la possibilité d’effectuer ces investigations. C’est avoir une opinion le plus proche possible de la réalité.
C’est dans cette démarche que votre documentaire Autopsie d’une tragédie a été conçu...
On a tout dit sur l’Algérie. J’ai vécu une partie de ce qu’a subi l’Algérie (durant la dernière décennie) ensuite je vivais en France. J’ai tout entendu de ce qui se disait à propos de l’Algérie. C’est douloureux de voir raconter un pays qui est le vôtre et vous aimez d’une manière complètement délirante. A un moment, je me suis dit c’est bon, c’est mon métier.
Commencer par le début, aller vers les gens, discuter avec eux, leur poser des questions. Et puis essayer de construire une histoire ! Alors, j’ai conscience de ne pas avoir tout dit toute la vérité. Parce que la vérité, c’est un objectif.
Ce qui m’a animé en effectuant ce travail documentaire avec Séverine Labat, c’était d’essayer de comprendre et de poser cela comme élément de débat. Aussi, des historiens vont voir le documentaire, travailler ailleurs et contester ou apporter un certain nombre de choses.
C’est comme cela que la vérité historique se construit par strates. Il me semble qu’il manquait un travail global surtout de cette période.
Cela m’intéressait de rencontrer les fondateurs de l’ex-FIS, des dirigeants du GIA, des généraux, des commandants, des chefs de partis politiques, des chefs de gouvernement...
Le premier documentaire que j’ai fait pour Arte avait pour thème les hommes politiques français en situation de crise. J’ai interviewé Edouard Baladur, Pierre Mauroy, Michel Rocard... C’est instructif. Il n’y a pas de théorie générale de la gouvernance.
Votre documentaire ne portait pas un regard manichéen...
Le film a été présenté à la presse algérienne. Et d’après les articles que j’ai lus, le documentaire avait été alors bien reçu. En France, à une exception près, le film a été très bien accueilli. France 3 et France 5 le rediffusent régulièrement. En ce moment, c’est la chaîne Histoire sur Canal Satellite qui le passe depuis le mois de janvier.
Vous êtes toujours inscrit et vous vous êtes investi dans cette dynamique d’investigation documentaire...
Vous savez, l’information ne se ramasse pas. Il faut aller la chercher. Aussi, je dois me déplacer pour ramener l’information.
Vous ne vous intéressez pas uniquement aux conflits, la politique...
A tout. Aux problèmes sociaux. Quand on réalise un documentaire, il ne s’agit pas d’arriver, de filmer et repartir. C’est prendre le temps de discuter avec les gens, s’imprégner de ce qu’ils sont le plus fidèlement possible.
Vous réalisez énormément pour les chaînes de télévision...
J’ai beaucoup travaillé pour Arte, France 2, en ce moment énormément pour France 3 et surtout pour TF1 pour son émission «Le Droit de savoir» qui est présentée par Charles Villeneuve.
J’ai travaillé, par exemple, sur des sujets complètement différents comme les arnaques pendant les vacances (pour les Français), un portrait de Bernard Tapie (son parcours, comment il avait été arnaqué par le Crédit Lyonnais), le détournement de l’Airbus d’Air France en 1994...
Vous êtes revenu sur les circonstances de ce détournement d’avion...
Oui, dix ans après. Tout n’avait été pas dit à l’époque, parce qu’il fallait un certain temps et que certaines personnes acceptent de parler. Là, j’avais pu rencontrer la mère du chef du commando qui m’a raconté comment la police était venue la chercher aux Eucalyptus. Comment elle avait parlé avec son fils. Et ce qu’il lui avait dit. Donc cela devient un autre éclairage.
J’ai interrogé des hôtesses de l’air, des passagers, des membres du GIGN ayant participé à l’intervention. Pour réaliser ce documentaire, il fallait rencontrer un grand nombre de passagers pour être proche de la réalité durant ce détournement d’avion ayant duré 54 heures.
Qu’est-ce qui ressort de votre exercice filmique ?
Ce qui m’intéresse le plus, ce sont les situations où l’on est sur le fil du rasoir. Où tout peut basculer d’un côté ou de l’autre. C’est à ce moment-là que se révèle la vérité d’une homme ou d’une femme.
C’est le choix vital et crucial d’une âme humaine. Je l’ai fait dans le cadre de documentaires sur les enfants en prison à Saint-Pétersbourg, les jeunes délinquants en banlieue parisienne.
C’est au moment où les choses peuvent basculer. Quelle est la réaction des gens ? Les situations extrêmes et la dimension humaine.
Quelle serait votre urgence documentaire ?
Oh, je n’ai pas le temps de tout faire. C’est pour cela que j’ai créé avec deux amis une société de production à Paris et Alger.
Justement...
C’est pour travailler avec des gens s’intéressant aux mêmes choses que moi ou bien différentes. Mais qui ont la même passion que moi. Dans le désordre, des grands sujets m’intéressent en ce moment. Il y a la Tchétchénie :un quart de sa population a disparu dans l’indifférence. Le génocide au Rwanda, L’enlèvement et l’assassinat des moines de Tibhirine, la contrefaçon qui se mondialise.
Cependant, je n’ai jamais travaillé et je ne travaillerais sûrement jamais sur les fleurs et les animaux (rires). Cela peut être intéressant, mais je réaliserai un jour un documentaire sur la diversité de l’Algérie.
Le documentaire, un art majeur...
C’est prendre le temps de reculer, d’analyser, d’essayer de comprendre. C’est pour cela que le documentaire a beaucoup d’avenir.
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