lundi 4 septembre 2017

Où va-t-on ?

Les députés et les sénateurs regagnent aujourd’hui leurs bancs du Parlement dans un contexte politique des plus confus. Eux qui avaient ouvert la nouvelle législature en adoptant, à la majorité, le plan d’action du gouvernement Tebboune, vont devoir entamer l’automne  en  répétant  le même exercice pour un nouveau plan d’action et pour un nouvel Exécutif conduit cette fois-ci par Ahmed Ouyahia. Signe d’instabilité institutionnelle et inquiétant désordre politique. La majorité parlementaire dominée par le couple FLN-RND a vite oublié le «programme» Tebboune qu’elle a pourtant défendu avec ferveur pour mieux plaider celui que présentera prochainement M. Ouyahia. D’évidence, l’esprit du nouveau plan d’action ne diffère pas fondamentalement de celui adopté en juin passé, mais il reste que dans la stratégie, les alliances, la  méthode et le style qu’incarnera le nouveau locataire du Palais Docteur Saadane seraient en totale opposition par rapport à  son prédécesseur. Clivant, le Premier ministre n’hésite pas à ferrailler contre ses adversaires politiques. Il n’existe que par la confrontation, quitte à inventer le diable pour lui faire la guerre. Si le passage du gouvernement devant la «représentation nationale» est devenu une simple formalité, dès lors que l’hémicycle n’est plus ce lieu palpitant de la vie politique nationale, pour M. Ouyahia, il représente une opportunité politique pour étaler ses «talents» pour mieux asseoir son autorité et affirmer son leadership. Mais surtout pour tenter  de  «donner» une existence à une paralysie institutionnelle dans laquelle est plongé le pays et de réanimer une vie politique nationale plombée. D’abord par l’absence prolongée du chef de l’Etat contraint par la maladie à une quasi-retraite politique. Une situation inédite qui impacte considérablement le fonctionnement des institutions. A l’absence de visibilité présidentielle, s’ajoute le doute sur les vrais détenteurs du sceau de la République. Le brusque limogeage de Abdelmadjid Tebboune après seulement quatre-vingt jours d’exercice a aggravé la confusion au sommet de l’Etat et a creusé davantage le fossé de la défiance au sein de l’opinion. La tendance qui a marqué les élections législatives pourrait se confirmer aux élections locales du 23 novembre prochain. L’ex-Premier ministre, qui a croisé le fer avec les «forces du capital» en perdant la bataille, a validé la thèse selon laquelle «les hommes d’affaires pèsent lourdement sur la décision politique nationale». Une partie de l’opposition évoque alors un «déplacement du centre de décision» au profit des forces extraconstitutionnelles et va jusqu’à «constater» la vacance du pouvoir et réclamer la mise en branle de l’article 102 de la Constitution en appelant le Conseil constitutionnel à déclarer l’état d’empêchement. Pendant que d’autres ont les yeux rivés sur l’institution militaire que certaines personnalités sollicitent pour «intervenir». Dans ce climat politique chargé d’incertitudes, des secteurs entiers de la société redoutent des lendemains angoissants en raison d’une crise économique structurelle et ses retombées sociales. La future loi de finances s’annonce violemment austère. Ahmed Ouyahia est un Premier ministre qui ne s’encombre pas outre mesure. Il est l’homme du choix social sévère. Des coupes claires dans le budget de l’Etat vont porter un coup dur au pouvoir d’achat déjà en berne. Des secteurs comme la Santé, l’Education, l’Emploi, les Collectivités locales vont en pâtir. Faute d’un cap économique pérenne fondé sur une stratégie fiable, le pays est suspendu à une rente pétrolière qui s’amensuise et au tout-importation asphyxiant. L’état économique du pays peu rassurant est la conséquence directe d’une gestion politique chaotique. En raison de l’absence d’un contrôle parlementaire rigoureux et de la mise au pas des autres organes de contrôle, les dépenses publiques ont servi en grande partie à consolider les fondements du régime politique qu’à assurer un développement économique et social du pays. Mais à l’évidence, les fondements en question vacillent sous les coups de boutoir d’une gouvernance surannée. Le régime politique lui-même en mal de légitimité démocratique et miné par des luttes de survie affiche une santé fragile qui expose le pays à un périlleux destin. A moins de vingt mois de l’élection présidentielle, c’est le flou total qui domine, laissant le pays naviguer à vue. Les palais du pouvoir sont perdus dans un épais brouillard empêchant ainsi d’offrir une perspective politique à la hauteur de la gravité de la crise. Preuve s’il en est que les décideurs politiques font tourner l’Etat dans une improvisation déroutante. Le scénario de contraindre les Algériens de nouveau à un «choix» imposé en verrouillant le jeu politique risque de l’emporter. Un éternel recommencement pour un infini échec. D’autant que l’opposition démocratique éparpillée peine à se doter de sa propre stratégie. Souvent elle construit sa démarche en fonction de celle du pouvoir. Elle est aussi en difficulté. Comme lors de l’élection présidentielle de 2014, celle de 2019 court le risque de faire rater  au pays une opportunité d’engager un processus de sortie de crise. De toute évidence, les conditions préparant cette échéance comportent tous les éléments de maintenir l’Algérie sous l’eau.

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