lundi 25 décembre 2017

«Le wahhabisme n’est pas un courant religieux mais un courant politique»

Le wahhabisme a été la source doctrinale du terrorisme en Algérie. Pas seulement dans tout le monde musulman et non musulman. Pouvez-vous nous l’expliquer brièvement ?     L’origine du salafisme nous renvoie directement au XVIIIe siècle avec l’extension de l’Empire ottoman, jusqu’à l’extrême ouest de la Méditerranée. Bien évidemment, l’Occident s’est vu totalement menacé par la présence d’un empire musulman dans cette importante zone géographique. Comme il ne pouvait pas détruire cet empire de l’extérieur, l’Occident a procédé autrement. Les premiers orientalistes, et les premiers missionnaires de l’armée britannique en Orient qui avaient relevé les points faibles de la société musulmane avaient opté pour une stratégie : arriver à noyauter l’empire musulman de l’Intérieur. Ce qui a pu se faire, en s’appuyant sur les bédouins de Nadjd, aujourd’hui Riyad et le grand Hidjaz. Mohamed Ben Abdelwahab était alors le seul théologien qui répondait à ce plan. Et il avait bien adhéré à la démarche et aux thèses de l’espion britannique Hemfer, qui voulait construire une contestation populaire sous le couvert religieux. L’objectif était de renverser l’Empire ottoman de l’intérieur. Une fusion a été rendue possible entre les Al Saoud et les Al Chikh. Ces derniers qui ont fini par prendre le pouvoir et mettre en pratique la stratégie britannique, se sont appuyés sur le wahhabisme. Les premiers groupes du wahhabisme, de Mohamed Ben Abdelwahab, ont pris les armes qu’ils ont utilisées contre les forces ottomanes pour les chasser de la terre d’islam. Dans la stratégie de l’accaparation des terres musulmanes, la Kaaba était le pivot qui devait absolument tomber, parce que la prise de La Mecque revêtait une importance stratégique, vu le nombre de musulmans qui faisaient le pèlerinage. L’objectif était d’étendre l’influence et l’impact du wahhabisme. Le premier royaume wahhabite s’est étendu jusqu’en Irak. Il s’est situé entre ce pays et le Bahrein et jusqu’au Yémen. Seul le sultanat d’Oman y avait échappé, en cela qu’il était sous influence ibadite. Sinon les musulmans sunnites étaient pratiquement décimés, pourchassés et assassinés par les convertis au wahhabisme. Mohamed Ben Abdelwahab déclarait que tout musulman est un apostat s’il n’adhérait pas au modèle qu’il était en train d’installer. Une idéologie  basée sur le takfir (polythéisme). Cette nouvelle aquida, apparue pour le monde islamique, se rapprochait énormément de la secte des assassins qui avait proliféré pendant les croisades du XIe et du XVe siècles. Cette secte s’attaquait aux musulmans au lieu de combattre les croisés. C’est exactement comme le wahhabisme qui a semé le désordre et installé le chaos dans tout le monde musulman. Notamment avec les dernières fatwas que nous sommes en train de recevoir, où l’imam de La Mecque appelle à ne plus s’affronter avec les Israéliens et demande plutôt à s’attaquer à la résistance qui lutte pour la récupération des terres saintes des mains des sionistes. Quels sont exactement les fondements de cette nouvelle religion qui a envahi le monde musulman depuis le XVIIIe siècle ? Le fondateur de ce courant, Mohamed Ben Abdelwahab, l’avait défini de manière claire et précise dans ses œuvres, entre autres Kitab ettawhid, et Ossoul athaleth, où il avait décrété des paramètres Nawakedh el islam, appelant à renier la qualité du musulman qui n’adhérait pas aux principes que lui-même prêchait. Pas seulement, il renie complètement les quatre doctrines sunnites. Fallait-il s’attendre à autre chose d’un courant qui s’attaquait aux malékites et aux chaffi sur les terres d’islam, La Mecque et Médine, en les égorgeant. Que dire alors des autres musulmans ? Le wahhabisme était la rupture avec l’islam tout entier, en déclarant que les autres musulmans étaient des apostats. Les wahhabites ont construit des passerelles avec la collaboration des forces coloniales, sur lesquelles ils se sont appuyés dans le but d’instaurer une nouvelle vision de l’islam dans le monde musulman. A vrai dire, le wahhabisme n’est pas un courant religieux, mais un courant politique, qui n’était qu’une antenne des forces extérieures sur les terres d’islam. Ce que nous sommes en train de vivre actuellement est indicatif à plus d’un titre. Ce que le wahhabisme avait théoriquement prêché dans ses livres, on le voit dans la pratique en Syrie, au Yémen, en Libye et en Palestine. Comment le wahhabisme apparu au XVIIIe siècle a-t-il pu effacer 12 siècles de pratique d’islam ? Mohamed Ben Abdelwahab a ramené une vision pour effacer l’islam tel que pratiqué jusque-là de par le monde  musulman. Pour nous, c’est une hérésie. Il n’y a pas eu ce phénomène pendant 12 siècles de pratique de l’islam, à travers toutes les écoles musulmans. Les musulmans se comprenaient. Convaincus  que les divergences théologiques étaient normales et naturelles. Du vivant du Prophète (QSSSL), ses compagnons interprétaient certaines injonctions suivant une compréhension qui était propre à eux. Le Prophète (QSSSL) ne les a jamais réprimandés ni accusés d’apostasie, ou traités d’égarés. Parce que la compréhension mène à une interprétation propre à chaque école. Les wahhabites ne voulaient pas admettre ni tolérer cet esprit, ces divergences. Ils disent que cette divergence dans la compréhension du texte religieux pour eux est un crime. Ce que le Saint Coran réfute catégoriquement. Il approuve cette différence à partir des différentes visions et interprétations. C’est cet héritage que le wahhabisme a voulu effacer à travers la mise en place d’une nouvelle doctrine complètement hérétique et en contradiction avec un principe cardinal dans le Livre Saint que tous les musulmans appartiennent à une seule Oumma. Le wahhabisme pense le contraire. Il a déclaré la guerre à l’islam. Le wahhabisme s’est propagé dans le monde musulman parce qu’il s’appuie sur un royaume qui est très riche, dispose de financements astronomiques. Pas moins de 75 milliards de dollars auraient été consacrés par le royaume wahhabite à ses antennes à travers le monde. Ses partisans bénéficient de ces mannes considérables. Ils disposent de ce fait d’importants moyens didactiques, audiovisuels, et de financements énormes, face auxquels tous les musulmans sunnites ou chiites ne peuvent rien faire. Des moyens avec lesquels personne ne peut rivaliser. L’Algérie, après avoir souffert du wahhabisme pendant les années 1990, n’en a pas fini avec le salafisme qui travaille la société en profondeur. Comment expliquez-vous cela ? Le wahhabisme commence à prendre plus que de l’ampleur en Algérie. Il commence à prendre de la légitimité. Nous assistons actuellement à son infiltration dans des réseaux très importants. Les wahhabites ont massivement adhéré à l’Association des oulémas qui leur donne de la légitimité et leur redonne une virginité à travers laquelle ils sont en train de s’imposer, même dans des établissements d’enseignement, pour propager l’islam wahhabite sous couverture algérienne. D’un autre côté, le nombre considérable d’Algériens qui ont fait leurs études en Arabie Saoudite, ou via l’université des sciences islamiques sont en train d’occuper des postes importants dans les mosquées algériennes. Ce phénomène existe à l’échelle nationale. Des imams d’obédience wahhabite profitent du cadre algérien pour distiller leurs prêches. Un discours purement importé en totale contradiction avec la culture algérienne et notre islam. L’islam hérité par les Algériens de 14 siècles est un islam immunisé contre les agressions étrangères, jamais un Algérien n’a coopéré avec des ennemis extérieurs au nom de l’islam. Contrairement aux oulémas du wahhabisme qui adhèrent à l’invasion américaine et sioniste des terres de l’islam. C’est de ce côté-là qu’ils se sont toujours rangés. L’exemple de la résistance palestinienne sous toutes ses couleurs. L’idée aujourd’hui c’est comment empêcher les wahhabites de propager leurs fatwas dans les institutions religieuses et éducatives. Ce n’est un secret pour personne, beaucoup d’enseignants appartiennent au courant wahhabite et diffusent ses idées, comme la propagation de l’interdiction de la célébration du Mawlid Ennabaoui (l’anniversaire de la naissance du Prophète).

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire