lundi 25 décembre 2017

La filiation saoudienne des idéologues

Ils sont une douzaine. Ils multiplient les assises, les conférences, les halakate et les fatwas. Ils ont envahi internet, les réseaux sociaux, Twitter, Facebook, Snapchat, les forums de discussions. Qui sont ces imams qui propagent la salafia en Algérie ? Quelles sont leurs références ? D’où viennent-ils ? Considérée comme un cinquième courant attribué à Ibn Taymia, Mohamed Ibn Abdelwahab, Ibnou Bâz et El Albani, c’est cette pratique rigoureuse et rigoriste de l’islam qui est citée comme référence doctrinale chez l’ensemble des salafistes en Algérie qui s’inspirent également de l’autorité religieuse que constitue Rabie El Madkhali en Arabie Saoudite. La salafia a ses propres idéologues dans le pays. Leur chef de file, ce n’est ni Ali Belhadj, ex-numéro 2 du parti dissous (FIS), ni le sulfureux Abdelfattah Hamadache, mais Mohamed Ali Ferkous, professeur en charia qui officie à la faculté des sciences islamiques du Caroubier à Alger. Il est natif de Kouba. Auprès de ses disciples, il est connu sous le nom d’Abou Abd El Mou`iz Mohammed Ali Ben Bouzid Ben Ferkous El Koubi par rapport à «El Kouba El Qadîma» (Vieux Kouba) à Alger. Selon sa biographie publiée sur son propre site web qui a d’ailleurs enregistré depuis sa création 58 millions de visites, Mohamed Ali Ferkous, qui prêche sur tout et n’importe quoi, a suivi un parcours qui renseigne longuement sur l’orientation de ses exégèses. Il a étudié en Arabie Saoudite auprès d’enseignants ou de cheikhs d’obédience wahhabite, à l’instar des Atia Ben Mohammed Salim, cadi au grand tribunal de Médine, Abd El Kader Ben Cheïba El Hamd, professeur de la jurisprudence islamique et des fondements de la jurisprudence (Oussoul El Fiqh) dans la faculté de charia, Abou Bakr Jâbir El Djazaïri, prédicateur à la Mosquée du Prophète, et professeur d’exégèse (tafsir) à la faculté de charia, et Mohammed Mokhtar Ach Chanqîti, d’origine mauritanienne, installé dans le royaume wahhabite jusqu’à son décès, professeur d’exégèse à la faculté de charia, et enseignant des livres de la sunna à la Mosquée du Prophète. Mohamed Ali Ferkous s’est également abreuvé à la source du salafisme via «des discussions scientifiques et des thèses universitaires que les professeurs et les prédicateurs salafistes discutaient, ainsi que les conférences que tenaient Abd El Aziz Ben Abd Allah Ibn Baz, le cheikh Hemmad Ben Mohammed El Ansâri et d’autres. Il est rentré en Algérie en 1982. Il était parmi les premiers professeurs à rejoindre la faculté des sciences islamiques où il a été accepté officiellement et où il a été également chargé de la direction des études et de la programmation. Ses partisans sont allés jusqu’à comparer son apparence et sa voix à celle de Mohammed Nâsir Eddine El Albâni, un prédicateur salafiste connu de tous et qui a été la source d’inspiration pour tous les radicaux islamistes. Mohamed Ali Ferkous a présidé jusqu’à une date récente Dar Fadhila, un organisme lié à l’Arabie Saoudite et qui constitue le support médiatique, édition de livres, de revues et autres dépliants et prospectus pour la propagation de la salafia en Algérie. C’est la tête de pont téléguidée par le wahhabisme à partir de Riyad en Arabie Saoudite où il est reçu, à chaque fois, avec beaucoup de soins. Abdelghani Aouisset est l’autre autorité morale des réseaux salafistes en Algérie. Né à Chemini dans la wilaya de Béjaïa, ce prédicateur salafiste a d’abord fréquenté l’école malékite à partir de 1974 auprès du cheikh Amer El Arbaoui, du cheikh Mouhammed Malek El Waghlissi, ensuite auprès de Mohammed Ech-Charef avant de suivre les assises scientifiques avec le cheikh Ahmed Hemmani au siège du Haut-conseil islamique (HCI). Mais Abdelghani Aouissat ne tardera pas à basculer dans le salafisme. A la fin de l’année 1975, il ouvrit les yeux sur le wahhabisme en lisant les livres d’El Albani et «des érudits» de la salafia, à l’exemple d’Ibn Taymiya, d’Ibn El Qayyim El Djouzia et d’Ibn Abd El Wahhâb. Abdelghani Aouissat a assisté également aux conférences El Outhaymine d’Ibn Baz et d’autres idéologues du salafisme qu’il ne cite pas dans une interview accordée au site salafiste Ahl essouna. Fait curieux, ce prédicateur salafiste dont le rôle est de propager le radicalisme islamiste, notamment en Kabylie, a officié pendant longtemps à la Radio nationale, la Chaîne 1 en arabe et à la Chaîne 2 en kabyle. Dans cette dernière, il a donné des cours d’orientation et des fatwas. Son émission a duré 15 années. A la chaîne 1, nous étions invités à l’émission «Hadîth Es-Sabâh» et «Hadîth El Djoumoua» qui a duré un long moment, confiait-il. Abdelghani Aouisset est l’un des membres les plus actifs de la nébuleuse salafiste. Ils appellent les Kabyles à partir d’Aghribs, dans la région d’Azeffoun à Tizi Ouzou, à Oued Kssari où il a animé des assises qui avaient rassemblé tout ce que compte le centre du pays comme adeptes de la salafia, à «l’islam des ancêtres». Abou Abdillah M’hamed Tchalabi Al Djazairy figure lui aussi parmi les idéologues du salafisme les plus en vue dans le pays. Né à Hattatba, dans la wilaya de Tipasa en 1953, selon sa biographie officielle, il étudia jusqu’à l’obtention d’une licence section «Oussoul al Fiqh» à la faculté des sciences islamiques d’Alger, qui a ouvert ses portes en1982. Après l’obtention de son diplôme, «il a travaillé en tant qu’imam professeur sous l’égide du ministère du Culte et des Affaires religieuses algérien, de 1987 à 1994. Parallèlement, il a poursuivi ses études supérieures à l’université islamique du Caroubier, à Alger, jusqu’à l’obtention de son magistère dans la section du «Fiqh et Fondements du Fiqh». Il est revenu pour enseigner «l’exégèse du Coran» (Tafsir) pendant une année. En 2000, «il s’installa au Koweït, où il a travaillé au ministère des Affaires religieuses koweïtiennes en tant qu’imam et prêcheur du vendredi». Il est rentré en Algérie en septembre 2008 pour s’installer dans la ville de Blida, où il prêche la doctrine salafiste à ce jour. Au sud du pays, c’est Abou Abdillah, Salem Al Mourida El Adrari, originaire de la ville d’Adrar, qui propage le salfisme. Selon sa biographie officielle, il a étudié chez de nombreux idéologues salafistes en Mauritanie, pendant plus de 8 ans (de 1994 à 2002). Ils lui ont enseigné, lit-on sur son site web, «la aqida salafiyya et la langue arabe». Il enseigne à Adrar depuis plusieurs années. Pour ses partisans, «sa daawa rappelle celle de Mouqbil Al Wadii, un Yéménite qui a longtemps sévi dans un pays, aujourd’hui déchiré par une guerre confessionnelle, ou de Abou Oussama. «Ils ont permis d’étendre la daawa salafiyya dans des endroits où prédominent l’égarement et l’innovation ou chirk (polythéisme). Le premier avait livré une guerre contre les chiites a Dammaj, au Yémen, et le second contre les ibadites et les mou’tazila à Ghardaïa, les qoubouriyyoun et soufis extrêmistes à Adrar.»  A leurs côtés officient Azzedine Ramadani, et Lazhar Sinaqra, qui activent notamment à Alger.  Abdelhamid Bouta et Mustafa Ketfi s’occupent de «la daawa», dans la wilaya  de Bordj Bou Arréridj et Bachir Sari dans la wilaya de Sétif.       

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire