Les salafisltes font croire — c’est ainsi depuis quelques années — qu’ils constituent un rempart contre l’opposition politique et les mouvements de contestation que connaît le pays ces dernières années. Ils propagent l’idée de ne pas contester l’autorité du gouvernant (wali el amr). Comment les néosalafistes justifient leur existence, comment ils se rendent utiles, et se font accepter et tolérer par les autorités du pays ? Née à la fin des années 1990, la nouvelle version du salafisme qui, selon un spécialiste de la pensée islamique, porte en son sein les mêmes idées takfiristes que la version qui a mené à la décennie noire, a développé un discours qui n’incommode pas le pouvoir. Bien au contraire, elle se propose et se présente comme le rempart objectif contre toute contestation sociale et politique. Les salafisltes laissent croire — c’est ce qu’ils font depuis quelques années — qu’ils constituent un rempart contre l’opposition politique et les mouvements de contestation que connaît le pays ces dernières années. Ils propagent l’idée de ne pas contester l’autorité du gouvernant (wali el amr). Ils l’ont exprimé officiellement à plusieurs occasions. Au lendemain des «révoltes qui ont secoué le monde arabe», tous les idéologues du salafisme en Algérie ont signé un appel dans lequel ils demandaient au peuple algérien de ne pas adhérer à la vague de contestation contre les régimes politiques dans la région. Ils l’ont réitéré lors de l’élection présidentielle d’avril 2014, en l’exhortant à «rester soudé autour du gouvernant». Selon eux, le plan (les révoltes qui avaient secoué le monde arabe) avait pour «objectif d’anéantir la religion de la nation et de mettre fin à son unité, de minimiser l’attachement à la communauté musulmane réunie autour de son gouverneur, de minorer la liaison intime avec son corps». Ils considèrent en effet «qu’au nom des libertés, de la revendication des droits et de la succession au pouvoir, les mécréants ont embelli aux musulmans de mener des manifestations, d’occuper les rues et les espaces publics, d’élever le ton des protestations et d’attiser le feu des tentations et des haines à travers les médias et les moyens de télécommunication». Tout cela, avaient-ils expliqué, mène «inéluctablement la répulsion entre le gouverneur et le gouverné, entre le chef de l’Etat et ses concitoyens, et occasionne le désordre sociétal et le trouble dans les affaires de la vie quotidienne, ainsi que la disparition de la sécurité et l’accroissement de la corruption». Y croient-ils vraiment ? Les salafistes peuvent changer au gré des événements. Leur position n’est pas dogmatique, explique un analyste. Ils s’adaptent selon leur position de force ou de faiblesse dans la société. Et c’est exactement, dira notre interlocuteur, ce qui est pratiqué à l’échelle d’une mosquée. Ce n’est, en effet, qu’une pure tactique de leur part. Une manière pour eux de bénéficier de la bienveillance des autorités au moment où ils s’occupent à livrer une véritable guerre au rite malékite, le référent national en matière de pratique religieuse. Ils appartiennent tous à la même matrice qui est le wahhabisme. Comme l’idéologie du parti dissous (le Front islamique du salut, FIS) qui considérait que la démocratie est «kofr», celle de ce qu’on peut appeler les néosalafistes véhicule également de la violence, de l’exclusion et l’anathème. Selon Mohamed Ali Ferkous qui prodigue des fatwas à profusion, «la charia considère que les régimes démocratiques par leurs méthodes sont tout à fait contraires aux préceptes de l’islam». «C’est plutôt des formes de chirk (polythéisme, association) dans la législation religieuse ; car ces régimes, selon lui, annulent la souveraineté du Créateur ainsi que Son droit absolu de légiférer des lois, pour le rendre un droit appartenant aux créatures.» «En islam, explique-t-il, la souveraineté appartient à la charia et la nation ne peut légiférer en matière de religion ce qu’Allah n’a pas permis.» Selon Mohamed Ali Ferkous, «les grèves, les sit-in et les manifestations ainsi que toutes les méthodes inhérentes à la démocratie font partie des habitudes des mécréants et des méthodes par lesquelles ils se conduisent avec leurs gouvernements». «Ces méthodes-là, estime-t-il, n’ont aucune relation avec la religion de l’islam.» Pour lui, «il n’appartient aucunement aux gens de la foi de revendiquer des droits, même s’ils sont légitimes, par le moyen d’arrêter le travail, de propager le désordre et le soutenir, de provoquer les émeutes et médire des personnes qui n’y participent pas». C’est ainsi que les salafistes, qui considèrent que la démocratie est «kofr», tentent de rester dans les bonnes grâces des autorités pour avoir toute la latitude de travailler en profondeur la société algérienne. C’est une erreur de croire, indique un spécialiste du fait religieux, qu’ils peuvent constituer un rempart contre l’apparition dans le pays de certains courants religieux comme les ahmadites que les autorités combattent, et les chiites.
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