Nul n’ignore que le marché national du médicament est inféodé à des lobbies puissants qui ne reculent devant rien et qui ont réussi depuis la libération du marché à l’orienter vers l’importation qui procure de l’argent facile par millions en devises fortes, et ce, au détriment du Trésor public. Un univers où il est quasi impossible de prétendre à une part de marché sans avoir des parrains. Ceux qui s’y aventurent avec des appuis fragiles s’exposent à l’agressivité des concurrents et finissent souvent par disparaître. L’exemple de Galpharma, une jeune société basée à Constantine, illustre cette loi de la jungle. Quand elle se contentait d’importer des bandelettes pour glucomètre, cette société pouvait encore vivre à l’ombre des grosses pointures du domaine, mais dès qu’elle a tenté de gagner en hauteur, Galpharma a fait face à la quadrature du cercle. En 2014, la société approche un laboratoire européen spécialisé dans la fabrication de produits en ophtalmologie pour importer ses produits, dans un premier temps, et ensuite lancer la production de toute la gamme du laboratoire, selon les besoins du marché algérien. Il s’agit, selon le gérant de la société, de produits stratégiques qui dépendent entièrement de l’importation, faute de production locale. Des produits dont l’acquisition grève naturellement la facture d’importation du médicament mais dont on ne peut se passer. Les négociations aboutissent à un partenariat dont les termes présagent une bouffée d’air au marché algérien, sans parler du transfert de savoir-faire. D’autant que le partenaire étranger se prévaut d’un pedigree respecté dans le domaine. Pour le test et sachant que l’enregistrement d’une molécule auprès du ministère de la Santé et de la Population peut prendre 4 ans, le partenaire européen propose d’importer un produit qui bénéficie déjà de la décision d’enregistrement (DE) portant n°04/23b 015/297 du 26 avril 2004. Au niveau des services du ministère, le renouvellement est approuvé et le 5 mai 2016, la sous-direction de l’enregistrement délivre à Galpharma le récépissé de dépôt du dossier à l’importation. Ambitieux, les dirigeants de la société se lancent dans cette nouvelle aventure et prétendent pour 2017 à un programme prévisionnel d’importation (visa technique). A partir de là, commencent les problèmes avec la direction générale de la pharmacie qui tergiverse, use de manœuvres dilatoires et de bureaucratie. Galpharma saisit l’autorité pharmaceutique par écrit et sollicite une réponse à sa demande de programme d’importation. Rien ! Le laboratoire multiplie alors correspondances et rappels (une quinzaine). Toujours rien ! Le gérant de Galpharma, le Dr Lakehal-Aayat, frappe à toutes les portes et signe même un engagement pour produire localement. Mais tous ses efforts vont se briser sur le mur de l’absurde administratif, des verbiages de coulisses et du silence officiel. Ce n’est que 18 mois plus tard, le 30 octobre 2017 précisément, qu’il reçoit un courrier signé par le directeur général de la pharmacie, Hamou Hafedh, pour lui dire que la décision d’enregistrement est caduque ! A Galpharma, on ne s’explique pas cet argument tardif, qui, en outre, ignore superbement la décision souveraine de la direction de l’enregistrement, sachant aussi que le partenaire étranger a payé au Trésor public les droits d’enregistrement pour deux quinquennats !! Le courrier est d’autant plus bizarre qu’il conditionne l’obtention de visa par la nécessité de soumettre le produit à des commissions ; argument absurde, commente le gérant, du moment que le produit est déjà passé, et avec succès, par ces commissions. Sentant une mauvaise volonté de la part de la direction et une possible machination qui se trame pour l’en dissuader, le partenaire algérien commence à s’adresser à la tutelle, au Premier ministre et au président de la République, à travers des lettres ouvertes publiées sur les pages de la presse nationale. Malgré cela, aucune réaction officielle ne viendra apaiser les craintes de Galpharma. En revanche, en off, les langues se délient. Dans les bureaux des patrons du médicament, on croit tenir une option pour justifier le retard et un refus éventuel : la sous-direction de l’enregistrement change en effet sa position et prétend que le produit pose un problème de pharmacovigilance et qu’il n’est plus commercialisé dans son pays d’origine. Bien entendu, cette volte-face est exprimée verbalement. L’Algérien fournit alors une déclaration d’engagement prouvant le contraire, document appuyé par le certificat de libre-vente établi par l’Agenzia Italiana del Farmace (AIFA). Piégée, la direction accuse le coup, mais ne lâche pas prise. Nous sommes en janvier 2018 et l’autorité nationale du médicament ne fait toujours rien pour mettre fin à ce feuilleton absurde. En face, le partenaire étranger refuse de se lancer dans l’aventure de la production tant que le terrain n’est pas balisé. Une perte sèche pour le marché algérien. Le ministre de la Santé pèse-t-il la portée de cette affaire et laisse-t-il faire? Ce que redoute le plus le partenaire constantinois est que des maffieux soient derrière ce blocage, pour l’avoir à l’usure, le pousser au désistement et récupérer le producteur européen.
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