samedi 23 décembre 2017

Les boulangers dans la tourmente

Représentantes de la corporation des boulangers à travers le pays, les deux organisations, la Fnba (Fédération nationale des boulangers algériens) et l’Ancaa (Association nationale des commerçants et artisans algériens) s’accordent à dire que «dans la forme, la décision d’augmenter le prix de la baguette de pain dans 5 wilayas (Oran, Tipasa, Tizi Ouzou, Béjaïa et Batna) est anarchique et illégale et ceux qui l’ont prise doivent assumer leurs responsabilités». Cependant, dans le fond, «les problèmes soulevés sont légitimes et doivent trouver rapidement une solution parce qu’ils ont trop duré». Toutes les deux plaident pour «une baisse» du prix de la farine, mais pas pour la hausse du prix de la baguette de pain. Président de la Fnba et boulanger de son état, Youcef Kalafat tente d’expliquer le métier de boulanger : «Vous savez que le prix de la baguette de pain est réglementé par la loi de 1996. Il est de 7,50 DA pour le pain ordinaire et 8,50 DA pour le pain amélioré. Ce qui permettait à l’époque d’avoir une marge bénéficiaire de 20%. Or, aujourd’hui, le prix de revient d’une baguette est de 9,40 DA. Ce qui donne une marge bénéficiaire de 60 centimes. Depuis 1996, il y a eu de multiples augmentations des tarifs de l’eau, de l’électricité, de la levure, de l’améliorant, du Snmg, etc. Je ne dis pas que nous travaillons à perte, mais nous ne gagnons rien en contrepartie. Comment pouvons-nous travailler de la sorte ? Depuis le début de l’année, sur les 18 000 boulangers que nous représentons, près de 3000 ont soit changé d’activité, soit fermé boutique. Raison pour laquelle depuis trois ans nous n’avons pas cessé de réclamer une révision à la hausse, non pas de la baguette de pain, mais de la marge bénéficiaire. A chaque fois qu’un nouveau ministre du Commerce arrive, le dossier refait surface, mais rien ne se fait sur le terrain. A chaque fois, c’est le silence…» M. Kalafat précise que son organisation revendique depuis plus de trois ans la hausse de la marge bénéficiaire, à travers une révision à la baisse du prix du quintal de farine. «Il y a plus de trois ans, nous avions proposé deux solutions au ministre du Commerce, c’était à l’époque M. Benbada, pour améliorer la qualité du pain, à travers l’utilisation d’une farine mixée avec de la semoule, qui est très bénéfique pour la santé ou d’une farine complète très saine. Les deux farines restent subventionnées et ne peuvent être utilisées que pour le pain. Ce qui évitera aux pizzerias et aux boulangeries qui font de la viennoiserie et de la pâtisserie de s’en servir. Aucune suite n’a été donnée à ces propositions. Le gouvernement ne veut pas secouer les minotiers. A chaque fois, il nous dit ce n’est pas le moment. A-t-il peur des minotiers ? J’aimerais bien que le ministre du Commerce prenne conscience de ce problème. Nous ne demandons pas l’augmentation du prix de la baguette. Ce que nous voulons est un droit légitime. C’est l’augmentation de la marge bénéficiaire par la baisse du prix de la farine ou des charges sociales. Est-il difficile pour le gouvernement de rouvrir les deux usines publiques qui produisaient la levure durant des années avant d’être fermées pendant les années 1990 à cause du terrorisme ? Nous avons la possibilité de faire démarrer ces usines pour éviter l’importation, et faire baisser le prix. Pourquoi donc rester dépendant des importateurs ?» interroge M. Kalafat. Abondant dans le même sens, le président de l’Ancaa, Boulenouar Hadj Tahar, précise : «Il ne faut pas leurrer les citoyens. C’est la farine qui est subventionnée, pas le pain. Les autres ingrédients qui entrent dans sa fabrication sont achetés au prix fort sur le marché. Chaque année, la marge bénéficiaire des boulangers enregistre une baisse en raison de l’augmentation du coût de revient de la baguette. Le prix de la levure a connu deux augmentations cette année, alors que les machines qui coûtaient entre 300 000 DA et 400 000 DA sont vendues aujourd’hui à 1,5 million de dinars. En plus de tout cela, on demande aux boulangers d’améliorer la qualité. Est-ce possible ? Sur les 21 000 boulangers, au moins 3000 ont fermé boutique cette année.» Il dresse un constat peu reluisant de l’activité boulangère. «A tous ces problèmes, il faut ajouter celui du manque de farine souvent volontairement provoqué au niveau des minoteries pour céder le produit aux grossistes ou aux détaillants. Les boulangers se trouvent obligés d’acheter à 2200, voire 2400 DA le quintal de farine, auprès de ces derniers. La main-d’œuvre vient dans plus de 70% des cas de l’intérieur du pays. Ce qui nécessite souvent son hébergement et sa prise en charge. Tous ces problèmes, nous les avons exposés au ministre du Commerce. Nous avions même appelé à l’installation d’une commission technique, composée des représentants des secteurs des finances, du commerce et des boulangers, qui sera chargée de déterminer le prix exact de la baguette de pain, et éviter ainsi les polémiques au sujet du coût de revient. Tout cela est entre les mains du ministre du Commerce. Il y a quelques jours, il a dit qu’il était entre les mains du gouvernement et qu’une solution a été trouvée. Aujourd’hui, il y a une réflexion non pas sur le prix seulement, mais aussi sur la qualité du pain. Il faut que les minotiers produisent une farine plus nutritive et plus saine pour la santé des consommateurs. Nous savons tous, et nous l’avons dit à plusieurs reprises, que la farine blanche est dangereuse.» Les propos des représentants des boulangers se rejoignent et laissent croire que la balle de la bataille pour la qualité et le prix de la baguette de pain  est dans le camp du gouvernement, qui peine à imposer des mesures aux minotiers.  

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