mardi 12 décembre 2017

Quand le terrorisme misait sur les coups médiatiques

En ce début de journée de mardi, la circulation était dense à Alger. Subitement, une forte déflagration secoue le quartier de Ben Aknoun, à proximité du bâtiment qui abrite le Conseil constitutionnel. Alors que les sirènes des ambulances et des véhicules des services de sécurité retentissent, une autre explosion détruit une bonne partie des bureaux de l’Onu, à Hydra. C’était, il y a dix ans, le 11 décembre 2007. Les deux attentats-suicide avaient fait 30 morts et 117 blessés et suscité une vive indignation de la communauté internationale. Un communiqué de l’organisation terroriste Al Qaîda au Maghreb islamique (AQMI) les a revendiqués, appuyé par des messages vidéo des deux kamikazes, Rabah Bechla et Larbi Charef, d’anciens terroristes du GIA, qui se sont fait exploser. Le climat de psychose s’installe à Alger, où la crainte de nouveaux attentats pèse lourdement. Sous les décombres du siège du HCR (Haut commissariat aux refugiés) et du Pnud (Programme des Nations unies pour le développement), les équipes de secours retireront plusieurs victimes. En tout, 17 travailleurs de ces deux organismes onusiens ont péri et une semaine après, l’ex-secrétaire général de l’Onu, Ban Ki-moon, se rendait dans ces bâtiments en ruine, avant de repartir avec le drapeau (de l’organisation) en lambeaux, récupéré sur les lieux. «Déchiré et meurtri, mais toujours fier et invaincu, ce drapeau symbolise le sacrifice de nos collègues et notre détermination à persévérer», avait-il déclaré aux personnels de l’Onu, qui rendaient hommage aux victimes des attentats en participant à une marche silencieuse devant le siège de l’Onu le 19 décembre 2007. Quelque temps plus tard, l’enquête des services de sécurité aboutit à l’arrestation de Bakour Fouad, un des présumés complices des auteurs du double attentat-suicide. A son domicile, des kalachnikovs, des explosifs et des documents falsifiés sont récupérés. Selon l’enquête judiciaire, les aveux de cet ingénieur en bâtiment  ont permis de remonter jusqu’au cerveau de cette opération, le nommé Bouzegza Abderrahmane, émir de la phalange Al Farouk, chargé par l’Aqmi de mettre la capitale à feu et à sang, en ce mois de décembre 2007, à travers des opérations d’assassinats de personnalités politiques et d’attentats-suicide ciblant les sièges de la Présidence, de l’ONU, du Conseil constitutionnel (ancien et nouveau) et l’Académie militaire de Cherchell. Les lieux, toujours selon l’enquête, sont filmés et surveillés par Bakour Fouad, mais aussi par Khouchane Youcef et Bouzegza. D’autres objectifs, comme la direction des ressources humaines de la Sûreté nationale, le commandement de la Gendarmerie nationale à Bab Djedid, l’ancien bureau du chef de gouvernement situé derrière la présidence de la République sont également sur la liste. Les enregistrements vidéo sont d’ailleurs retrouvés dans la mémoire du téléphone portable de Rédouane Fassila, un des chefs les plus redoutables du GSPC, abattu par les forces de sécurité au cours  du mois de Ramadhan 2007. Le 3 décembre (2007), révèle l’enquête, Bouzegza charge Fouad Bakour de se procurer deux citernes de 2000 litres chacune, coupées en trois, avec un compartiment centre d’une capacité de 800 litres, auprès d’un atelier à Corso. Avec Youcef Khouchane, ils se déplacent à Tidjellabine où ils ont acheté, sur ordre de l’émir, deux camions Jac, sur lesquels les deux citernes ont été montées puis bourrées d’explosifs. Le premier véhicule est conduit par Charef Larbi, le kamikaze qui a foncé sur le Conseil constitutionnel, et le second par Rabah Bechla, l’auteur de l’attentat-suicide contre les bureaux de l’Onu. A 6h le 11 décembre 2007, Fouad Bakour pointe dans un café à Boudouaou, où il rencontre les deux kamikazes et Bouzegza. Ce dernier place des puces nouvellement achetées dans des téléphones mobiles neufs. Deux sont remis aux kamikazes, un à Bakour Fouad et un autre à Khouchane. Bakour est chargé de faire l’éclaireur pour Bechla Rabah (kamikaze) jusqu’au siège de l’ONU, et Khouchane et Fettouche doivent guider Charef Larbi (kamikaze) jusqu’au Conseil constitutionnel. Arrivé à Bir Mourad Raïs, plus précisément à la rue Saïdi Mohamed Saïd, Bakour ralentit et, derrière lui, le véhicule de Bechla aussi. Il lui fait signe de rouler doucement et d’attendre le coup de fil. Une fois à Hydra, il entend l’explosion du premier véhicule devant le Conseil constitutionnel. Il téléphone à Bechla Rabah, mais il n’y a pas de réponse. A cause de ses problèmes d’audition, Bechla n’entend pas la sonnerie. Bakour insiste. Une fois la rue Saïdi Saïd entamée, il entend une forte déflagration. Bechla s’est fait exploser mais en retard. Bakour détruit la puce utilisée et quitte les lieux. C’est à Aïn Naâdja, au domicile de Khouchane qu’il se terre, avant d’être arrêté. Dix ans après, même si la majorité des terroristes faisant partie de la phalange Al Forkane ont été éliminés par les forces de sécurité, et qu’aucune trace n’est visible sur les bâtiments de l’Onu et du Conseil constitutionnel, les souvenirs de ces tragiques attentats restent encore très vivaces dans les mémoires…     

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