vendredi 5 janvier 2018

Le couple solaire-hydrogène doit être intégré dans notre future stratégie énergétique

En plus du solaire et de l’éolien, l’Algérie dispose d’un autre atout en termes d’énergie renouvelable : l’hydrogène. Présenté comme une alternative aux énergies fossiles, l’hydrogène pourrait être exploité en Algérie au même titre que le soleil, les déchets ou encore le vent. Noureddine Yassaa, directeur du Centre de développement des énergies renouvelables, nous en parle. - Vous avez récemment déclaré que la valorisation énergétique des déchets peut couvrir les besoins de 1,5 million d’habitants en électricité. Expliquez- nous comment ! Une étude menée par les chercheurs du Centre de développement des énergies renouvelables (CDER), en se basant sur les données de l’Agence nationale des déchets et publiée dans une revue internationale de renommée (référence : A. Akbi, M. Saber, M. Aziza, N. Yassaa, An overview of sustainable bioenergy potential in Algeria, Renewable and Sustainable Energy Review 72, 240-245, 2017), montre qu’il est possible de produire annuellement près de 1104 millions de mètres cubes de biogaz (974 millions de mètres cubes à partir des déchets ménagers et assimilés (DMA), 22,91 millions de mètres cubes à partir des boues des stations d’épurations (STEP) et 107 millions de mètres cubes à partir des déchets industriels), ce qui est équivalent à la génération de 2032 gigawatt heure d’électricité annuellement. L’étude estime que cette production pourrait couvrir les besoins électriques d’une population de 1,5 million d’habitants. A noter qu’en plus de la production d’électricité, le biogaz peut être utilisé pour le chauffage ou comme carburant pour le transport, notamment le transport en commun. Ce travail vise également à montrer que la valorisation énergétique des déchets, en plus des avantages écologiques et environnementaux, pourrait amorcer une dynamique économique à l’échelon local autour de la promotion de la filière bioénergie et ses retombées sur la création des petites entreprises et des emplois chez les jeunes. A l’instar du solaire, de l’éolien, de la géothermie, la bioénergie est une source d’énergie renouvelable à ne pas négliger dans notre pays. - On parle de l’hydrogène comme étant une alternative aux énergies fossiles. Pouvez-vous apporter plus d’éclaircissements ? Avec l’avènement des piles à combustibles et les exigences d’une énergie propre et durable, l’intérêt pour l’hydrogène en tant que vecteur énergétique est devenu une réalité et constitue une vraie piste d’avenir pour la transition énergétique en permettant le développement des énergies renouvelables et les moyens de transport (véhicules, bus, trains) écologiques. La technologie du «Power to Gas» permet de remédier à l’intermittence des énergies renouvelables en stockant la surproduction d’énergie électrique grâce à leur transformation en hydrogène par électrolyse de l’eau. L’hydrogène ainsi produit peut  être stocké et reconverti  grâce à des piles à combustible pour assurer un approvisionnement continu d’électricité aux consommateurs. Il peut être injecté dans le réseau de gaz naturel et utilisé comme un moyen de chauffage dans les villes. Dans le domaine de la mobilité, l’hydrogène permet de produire de l’électricité à l’aide de piles à hydrogène embarquées en procurant de l’énergie pour les moyens de transport avec moteurs à gaz ou électriques. Compte tenu du fait que l’hydrogène constitue un bon allié du renouvelable, son développement dans notre pays doit être aussi important que le développement du solaire. C’est parmi les recommandations les plus importantes proposées par les participants au 2e Symposium international sur l’hydrogène durable organisé par le CDER avec le soutien de la commission nationale de l’Unesco et l’Association internationale de l’énergie hydrogène «ISH2017» à Alger, les 26 et 27 novembre 2017. Conscients que l’hydrogène est au cœur de la révolution  énergétique, nous devons d’ores et déjà développer une vision qui nous permettra de maîtriser la technologie de la filière hydrogène dans tous ses aspects. C’est ce que le CDER s’attelle à faire à travers les projets de recherche à impacts socioéconomiques financés par la direction générale de la recherche scientifique et du développement technologique. - L’Algérie a-t-elle les infrastructures nécessaires pour son exploitation ? L’Algérie possède un double avantage pour l’exploitation de l’hydrogène : un énorme gisement solaire pour la production de l’hydrogène et un réseau du transport du gaz naturel parmi les plus importants au monde en intra-national et entre l’Algérie et l’Europe. Ceci confère à notre pays tous les atouts pour devenir un leader mondial dans la production de l’hydrogène et dans son transport et sa distribution à travers les gazoducs déjà existants. Matérialiser la lumière sous forme de gaz H2 peut constituer la clé de voûte de la transition énergétique dans notre pays. - D’un point de vue économique, que gagne-t-on en exploitant l’hydrogène ? Tout comme le renouvelable, le développement technologique permet de réduire les coûts de l’exploitation de l’hydrogène. Le plus important pour nous actuellement est de pouvoir maîtriser les technologies de conversion de l’énergie solaire en hydrogène, de son stockage, de son transport ainsi que ses différents usages. Le couple solaire-hydrogène doit être intégrer dans la future stratégie énergétique de notre pays. Dans ce sens, les participants au «ISH2017» ont recommandé au groupe Sonatrach de s’y intéresser et de l’intégrer dans sa nouvelle vision stratégique. Un nouveau «Hydrogen Council» constitué des groupes majeurs mondiaux d’énergie a déjà vu le jour au début de l’année 2017 pour développer des réflexions autour de l’usage de l’hydrogène et son rôle dans la révolution énergétique. Ceci démontre que les champions énergétiques mondiaux sont déjà convaincus du rôle que pourra jouer l’hydrogène dans la future géostratégie énergétique mondiale. Une autre recommandation est de mettre en place, dans le cadre de cette stratégie, un projet pilote solaire-hydrogène en intégrant la conversion solaire-hydrogène, le stockage, le transport, la reconversion en électricité par des piles à combustible et les utilisations dans le chauffage et la mobilité. Un tel projet fédérateur servira à la formation et à la R&D.  

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