mardi 30 juin 2015

Béjaïa : la société civile se mobilise pour faire face aux « salafistes »

Le comité de vigilance et de sauvegarde des libertés (CVSL) est né. C’est au cours d’une rencontre organisée, dimanche soir au siège de la CDDH de Béjaïa, qui a regroupé des militants des droits de l’Homme, associations, artistes, auteurs, journalistes, citoyens de la wilaya de Béjaïa, que ce comité est créé pour faire face à la montée intégriste.
Des salafistes qui se fondent dans la société mais qui ne se dérangent plus pour s’approprier les missions «des gardiens de la révolution islamique iranienne» au point d’interpeller des femmes dans la rue pour les sommer de se voiler, témoignages à l’appui. Profitant de la démobilisation générale, de la déliquescence de l’Etat, ces islamistes, qui s’affichent rarement, manipulent les associations religieuses, les comités des quartiers et même des voyous pour arriver à leur fin : s’accaparer les espaces publics et imposer leur loi.

C’est le cas à Béjaïa où des islamistes qui fréquentent la mosquée jouxtant la maison de la culture Taos Amrouche tentent d’interdire les activités culturelles sur l’esplanade de cette institution, sous le faux prétexte que cela dérange les fidèles dans leur prière de taraouih, puisque les festivités commencent à 22h30 et parfois même à 23h, soit à la fin de la prière.

Lors de cette rencontre, survenue suite à cet évènement, les participants ont opté à l’unanimité pour l’interpellation des autorités locales et centrales concernées, à savoir celles du secteur de la culture, des affaires religieuses et le wali avant de proposer l’option d’exiger de la direction de la culture de reprendre ces activités en plein air.

Pour Saïd Salhi, vice-président de la ligue des droits de l’homme algérienne (LDDH) : «L’enjeu est l’occupation et l’hégémonie sur les espaces publics. Les citoyens n’ont pas à aller affronter d’autres citoyens, ou s’adresser à l’imam ou à l’association religieuse, il y a des lois. L’Etat doit assumer ces responsabilités pleinement. Donc, à mon avis, il faut d’abord interpeller les institutions de l’Etat pour qu’elles fassent respecter les lois et protéger les lieux publics de toute récupération ; l’Etat doit sévir».
 

Complicité du pouvoir 

Le militant a proposé également d’aller vers un travail pédagogique, car, dit-il, «la question que nous débattons aujourd’hui est tellement sensible que ça engage également la société civile. Pour éviter les dérapages et les amalgames. Car malheureusement, les freins sont aussi dans la société. La société civile n’a pas à traiter avec les riverains et un comité religieux et ignorer la responsabilité de l’Etat, c’est dangereux».

Les militants associatifs, de leur côté, en appellent aux partis politiques pour prendre une position. Les participants de différentes sensibilités (religieuse, idéologique et politique), des femmes et des hommes ont qualifié la situation de grave et qu’elle s’enlise davantage. «Que l’administration fasse son travail !», s’accordent-ils à dire. Ils ont rappelé que «la question est plus profonde que de la cantonner dans une histoire de galas sur cet espace, il s’agit de la mouvance salafiste rampante dangereusement».

M. Djenadi, journaliste et animateur de télévision, a souligné «la complicité du pouvoir avec les islamistes dans le but de mettre à genoux l’un des derniers bastions de la résistance et remparts contre l’obscurantisme, qui est la Kabylie. Nous devons dénoncer le silence du pouvoir et le pousser à protéger les droits de chacun, ceux de tous les citoyens. Nous avons besoin de plus d’espace pour la culture pour faire rayonner nos traditions».

Ce qui se passe est le redéploiement de l’islamisme politique, selon Nacer, militant des droits humains. «Avec son mutisme, le pouvoir vient de leur ouvrir une brèche qu’ils exploitent pour revenir au-devant de la scène et mettre la main sur les espaces publics. Il y a des institutions démissionnaires et nous assistons même à l’islamisation de l’Etat qui se manifeste à travers ces descentes policières dans des cafés pour déloger des non-jeûneurs», conclut-il.
 

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