Amis lecteurs, aujourd’hui je souhaite soumettre à votre sagacité la réflexion. J’ai appris que le chef-lieu d’une wilaya des Hauts-Plateaux algériens comptabilise sur son territoire trente-quatre mosquées ! Il n’y a pas un quartier sans sa mosquée propre. C’est que le citoyen doit pouvoir accomplir ses prières dans un lieu de culte en dehors de sa maison avec le confort optimal de ne pas avoir à marcher longtemps. Cela va à l’encontre, d’ailleurs, de l’idée qui stipule que pour chaque pas effectué, le fidèle enregistre une bonne action.
Il récolte une hassana. Dès lors que le musulman est obnubilé par la comptabilité de ces hassanât, il faut bien qu’il augmente son capital de ces bonnes actions, dût-il, pour cela, effectuer des tours supplémentaires autour de l’édifice religieux. Il devrait même opter pour un chemin retour autre que celui de l’aller.
Je ne fais rien d’autre que rappeler ce qui est enseigné du haut des chaires de ces mosquées par des imams «sérieux» et formés et formant à l’éducation religieuse. Ils insistent en ayant puisé dans des livres de jurisprudence islamique ouverts au chapitre – appelé le plus souvent portique – des règles de déplacement aux mosquées, sur le fait qu’il faut entrer par le pied droit dans la salle de prière et réserver le pied gauche aux sanitaires !
En outre, nous imaginons la polyphonie – pour ne pas dire autre chose – des haut-parleurs qui grésillent des appels à la prière et autres causeries religieuses, notamment en ce mois de Ramadhan. L’orchestration de ces logorrhées et le bruit assourdissant - il n’y a pas d’autre mot - qui les accompagne finissent par fatiguer le citoyen et l’abêtir. On pourra m’objecter que tout cela est connu et que m’y appesantir relève du pinaillage et des arguties captieuses.
Sauf que l’ennui réside dans la disproportion dans cette wilaya entre le nombre de mosquées et celui d’autres infrastructures culturelles et de loisirs. Il paraît qu’il n’y a aucune salle de cinéma opérationnelle, ni théâtre, ni opéra ni le moindre auditorium pour accueillir les grands événements musicaux. On s’arc-boute sur une religiosité aliénante et on néglige ce qui permet l’ouverture de l’esprit, éveille la conscience et flatte les sens !
La sortie de l’ornière est à ce prix. La modernité est à ce tribut et elle ne pourra advenir que lorsque la théologie aura déblayé en amont une pensée de la liberté. Aussi le progrès sera-t-il la conséquence heureuse du passage opéré du tout théocratique au tout démocratique où l’impératif absolu du respect de la conscience humaine est non négociable. Il est le préalable à toute œuvre de démocratisation, à commencer par la liberté d’esprit au niveau individuel comme une révolution opérée dans les mentalités, avant de prétendre mener celle des nations entières.
La dignité de l’homme réside dans son aptitude à répondre à l’appel transcendant en homme libre et conscient. Le libre choix politique va de pair avec le libre examen métaphysique. Comment peut-on s’imaginer un instant pouvoir contraindre par la coercition ou par la menace, croire imposer par la terreur et la violence ou même obliger par un simple regard inquisiteur, à ce qui relève en principe d’une adhésion personnelle spontanée, immédiate dans un acte libre d’un ego libre.
Le pire des méfaits serait alors un crime de lèse-conscience.
Il est affligeant de constater que la moindre critique -au sens académique- du corpus religieux ne peut être qu’impiété ! Le recours abusif à la criminalisation de l’hérésie et de l’apostasie comme une massue brisant tout argument contrariant est un scandale intolérable qu’il faut récuser avec force et condamner comme tel. Nous ne voulons plus réciter le commentaire du commentaire, en situant la dévotion dans l’abaissement de l’intelligence et dans l’imitation servile des pieux anciens. Au fond, la question n’est pas tant dans la mosquée que dans ce qui y est enseigné…
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