Propos recueillis par
Akli Rezouali
Les pouvoirs publics ont décidé d’instaurer certaines mesures fiscales en vue de drainer des capitaux informels vers les circuits bancaires. Cette démarche serait-elle un prélude à une amnistie fiscale ?
La conjoncture économique défavorable suite à la chute des cours du pétrole brut et le manque à gagner pour l’Algérie qui en résulte, incite les pouvoirs publics à revoir les politiques fiscale et budgétaire.
C’est à ce titre qu’un avant-projet de loi de finances complémentaire pour l’année 2015 est en discussion au niveau du gouvernement, dont la finalité est de corriger les déséquilibres entre les dépenses et les recettes.
Mais d’ores déjà, un décret exécutif n° 15-153 du 16 juin 2015 fixe le seuil applicable aux paiements devant être effectués par les moyens de paiements scripturaux à travers les circuits bancaires et financiers. L’objectif premier à court terme est la bancarisation des transactions commerciales ainsi que leur traçabilité.
A moyen terme, il s’agit de diminuer la marge de manœuvre du secteur informel dont la puissance financière commence à inquiéter. Cette mesure reste cependant insuffisante si elle ne s’accompagne pas d’autres mécanismes aussi bien incitatifs que répressifs devant amener les acteurs du secteur informel à intégrer progressivement les circuits de l’économie réelle.
Sur le plan fiscal, la préoccupation est surtout de faire face à la baisse de la fiscalité pétrolière. Mais également procéder à un aménagement de la fiscalité ordinaire en faveur des entreprises productrices de richesses (réduction de l’IBS et de la TAP).
Concernant l’amnistie fiscale, elle reste pour le moment du domaine de la spéculation dans la mesure où la situation politique, économique et sociale du pays ne plaide pas en faveur de cette option très discutable d’ailleurs à tous les plans. L’absence de consensus dans la société algérienne sur cette question est susceptible de générer plus de problèmes qu’elle ne pourra en résoudre.
Quelles sont véritablement les niches auxquelles il faudrait s’attaquer pour atténuer l’ampleur des fonds qui circulent hors circuit bancaire officiel ?
Sur le plan des domaines économiques où le secteur informel est dominant et prospère, ce sont essentiellement le négoce (commerce extérieur, commerce de gros) et l’immobilier.
Les niveaux de contrôle par l’Etat de ces activités reste en deçà des enjeux que cela présente pour l’économie nationale. Au niveau fiscal, le manque à gagner pour le Trésor public est énorme.
C’est pour cette raison que la LFC 2015 compte introduire l’impôt sur la fortune et l’impôt foncier. En plus, il y a une volonté d’aller vers plus d’encadrement des activités d’importation.
Il existe par ailleurs un autre problème à prendre en charge par le ministère des Finances, celui du reste à recouvrer (RAR) des impôts et qui est très important. Très souvent, les lois de finances énoncent de nombreuses mesures fiscales, mais sur le terrain la question du recouvrement reste inefficace pour des raisons diverses.
La démarche actuelle du gouvernement pour lutter contre les capitaux informels peut-elle aboutir sans une véritable réforme de la politique de change?
La politique de change n’est pas liée directement à la lutte contre les capitaux informels. C’est vrai qu’il existe une fuite de capitaux importante vers l’étranger ainsi qu’une évasion fiscale considérable, c’est connu de tout le monde. Lutter contre cela c’est déjà tout un programme.
La fixation du taux de change en revanche est du ressort de la Banque d’Algérie. Officiellement, le système de taux de change flexible est adopté en concertation avec le Fonds monétaire international.
Cependant, l’économie algérienne présentant une grande vulnérabilité face aux chocs externes, cela se répercute évidemment sur la valeur de la monnaie nationale. D’autant plus qu’il y a convertibilité commerciale du dinar. Cela signifie que les entreprises publiques ou privées ont accès librement au financement en devises lors des opérations d’importation à condition de procéder à la domiciliation bancaire.
C’est peut être à ce niveau que l’on peut détecter des malversations liées aux fuites de capitaux vers l’étranger (surfacturation en devises, pratiques frauduleuses, etc.). La politique de change doit être considérée en relation avec la politique monétaire et la politique budgétaire ainsi que la balance des paiements.
En définitive, c’est la structure de l’économie nationale mono-exportatrice dominée par la rente pétrolière qui explique en dernier ressort la valeur du dinar. Le «marché noir» des devises, toléré jusqu’à maintenant par les pouvoirs publics, s’avère un vecteur essentiel des transferts illicites de devises vers l’étranger.
Son élimination n’est pas une chose aisée car la source de l’offre des devises échappe au contrôle. Vouloir changer les choses, c’est pouvoir mener une politique de diversification de l’économie grâce à l’investissement productif et à l’amélioration du climat des affaires.
La lutte contre la bureaucratie et la corruption est aussi indispensable en vue d’espérer obtenir des résultats probants aussi bien par rapport aux capitaux informels que pour réussir une densification du tissu industriel.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire