mardi 30 juin 2015

Ira-t-on à l’amnistie fiscale ?

Développer les moyens de paiement et inciter à l’usage du chèque et de la carte bancaire, cela permettra certes de faire de l’Algérie un pays plus orienté vers la modernité, mais surtout de drainer enfin vers les banques les fonds qui échappent aux circuits économiques formels.
Et cela, le ministre des Finances, Abderrahmane Benkhalfa, a voulu le démontrer hier, lors d’une intervention à la Radio nationale en affirmant que «l’argent, pour une économie, est comme le sang qui irrigue un être vivant», si celui-ci ne l’irrigue plus c’est la mort assurée.

Si le chèque a toujours peiné à s’imposer, c’est en raison des résistances au changement. Les appréhensions face aux dysfonctionnements du système bancaire y sont pour beaucoup.

Ce sont le poids des circuits informels et la peur du contrôle de l’Etat et du fisc qui font obstacle au chèque. A cela, le ministre des Finances s’est voulu rassurant ; s’il demande aux populations d’opter pour une posture indulgente et conciliante envers les banques, il estime que la peur du fisc «ne peut concerner que les marginaux». M. Benkhalfa indique ainsi que pour mettre tout le monde «à l’aise» face à l’administration fiscale, «des mesures d’accompagnement seront prises dans les prochains mois».

Il n’en dira pas plus, si ce n’est que le dispositif touchera «les personnes qui n’ont pas de fonds pollués et ont des ressources propres». Et d’ajouter que toutes les ressources propres «sont les bienvenues».

Bien que le ministre soit loin de confirmer que des mesures seront prises dans le cadre de la prochaine loi de finances complémentaire, l’on doit rappeler que l’avant-projet de LFC 2015 propose un dispositif fiscal destiné à inciter les acteurs de l’informel à rejoindre les circuits formels.

Va-t-on encore une fois effacer l’ardoise, juste pour sauver les meubles, par un process d’amnistie fiscale longtemps réclamée par le patronat ? Pour ce faire, le gouvernement devra opter – une fois n’est pas coutume – pour une décision audacieuse et courageuse dans le seul objectif d’enfin mettre la main sur des ressources qui lui échappent sans que le résultat soit garanti.

Les pouvoirs publics semblent vouloir couper la poire en deux et préfèrent parler d’un dispositif de régularisation fiscale dans l’objectif de ne pas effaroucher les opérateurs de l’informel sans toutefois totalement les amnistier.

Ainsi, la nouvelle disposition prévoit que «les sommes déposées auprès des banques par toute personne physique, quelle que soit sa situation, peuvent faire l’objet, sur demande des personnes titulaire de comptes, à compter de la date de mise en œuvre du dispositif et pour une période de 12 mois, d’une taxation forfaitaire libératoire et volontaire de 10%. Les transactions à l’origine de ces fonds ne doivent en aucun cas être incriminées par le code pénal.

A ce titre, les déposants sont astreints à un engagement de conformité de ces fonds. Autrement dit, tous ceux qui désireront intégrer leurs fonds dans le circuit bancaire pourront le faire en payant un billet d’entrée de 10% au fisc au titre de l’IRG sur leurs revenus de parts sociales et dividendes sur une période de 12 mois, et ce, à condition qu’ils ne proviennent pas d’activités criminelles.

Selon l’exposé des motifs, ce dispositif – conforme aux dispositions internationales suivies par le GAFI – vise à «faciliter la régularisation de la situation fiscale d’un contribuable à l’égard de fonds ou autres actifs qui n’avaient précédemment été déclarés ou dont la déclaration n’avait pas été correctement faite».

Le texte précise aussi que dans de nombreux pays, les dispositifs de régularisation fiscale ont pour objectif d’«augmenter les recettes fiscales, stimuler l’honnêteté et la conformité fiscale ou encore faciliter la récupération d’actifs au service de politiques économiques, en particulier lorsque le pays concerné traverse une crise dans ce domaine».

Une manière donc de capter des ressources destinées à conforter les liquidités de banques appelées à contribuer activement au financement des programmes de développement économique. Preuve encore que la crise pousse les pouvoirs publics à agir et entreprendre des réformes.

Dommage que celles-ci demeurent timorées et lancent encore une fois la balle dans le camp des opérateurs de l’informel, qui devront faire preuve de «bonne volonté» et d’«honnêteté».

Et dire que les dispositifs fiscaux existent pour débusquer les revenus non déclarés, à l’image de l’article 98 du code des impôts directs et taxes assimilées, qui permet à l’administration fiscale d’effectuer une évaluation forfaitaire minimum des revenus imposables à travers les signes extérieurs de richesse comme les résidences principales et secondaires, les véhicules automobiles et motocycles, les bateaux de plaisance ainsi que les chevaux de course et autres biens et valeurs mobilières.

Heureusement que le chèque permettra désormais de suivre de près toutes ces acquisitions. Encore faudrait-il mettre en application un corpus réglementaire pour le moins complet.

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