«L’attentat était prévisible», estime l’ancien officier de l’armée tunisienne, qui met en garde contre d’autres actions terroristes. Pour lui, «les groupes terroristes choisissent le Ramadhan, qu’ils considèrent comme le mois de djihad».
La Tunisie a été violemment attaquée. L’attentat commis à Sousse ne sera pas sans conséquences. Quelle lecture peut-on faire ?
L’acte terroriste intervient dans un moment sensible pour notre pays.
Il s’inscrit dans la même logique de l’attentat perpétré contre le musée de Bardo, il y a tout juste trois mois. Le carnage de Sousse vise aussi la marche du nouvel Etat tunisien, en s’attaquant à l’une des principales ressources économiques du pays, le tourisme en l’occurrence. C’est un attentat perpétré en pleine saison estivale, où beaucoup de touristes étrangers sont déjà sur place. Le message était clair. Vider la Tunisie de ses touristes et provoquer par voie de conséquence une situation de crise sociale.
L’auteur de l’attentat a commis le massacre avec une aisance rare. Comment expliquez-vous cela ?
Absolument. C’est une opération qui était difficile à empêcher. L’auteur ne présentait aucun signe pouvant soulever des soupçons. Il a dissimulé son arme dans un parasol en se faisant passer pour un estivant.
C’est une opération facile à monter, malgré le dispositif sécuritaire et les mesures prises pour la surveillance tout le long de la côte. Nous assistons à un terrorisme d’un genre nouveau, où les groupes terroristes laissent à l’individu la liberté d’initiative, le mode opératoire et le timing.
Mais je dois dire que l’attentat était prévisible. Il est fort à craindre que d’autres auront lieu aussi. Ces extrémistes choisissent le mois de Ramadhan qui, pour eux, est un mois de djihad.
Les services de sécurité ont redoublé de vigilance et s’emploient à anticiper sur les actions terroristes. Il doit y avoir un contrôle accru des associations extrémistes, et partir à la recherche des cellules dormantes, assécher les sources de financement.
Les mesures prises par le gouvernement, si elles sont rapidement appliquées, auront des résultats sur le terrain. Nous ne sommes qu’au début de cette guerre contre le terrorisme. Elle nécessite une mobilisation générale de tous les Tunisiens pour défendre l’Etat et la démocratie.
Nous avons remarqué que les groupes terroristes ont déplacé leur champ d’action des monts du Sud et du Sud-Ouest vers la côte, s’agit-il d’un changement stratégique ?
Je dirais que les groupes terroristes étaient contraints de quitter ces régions citées en raison des coups portés à ces groupes dans le mont Chaambi et à Gafsa. Sur le terrain, le travail opérationnel de l’armée tunisienne d’un côté et de l’armée algérienne a donné des résultats probants. Entre les deux armées, il existe une coordination étroite et efficace.
Leurs actions ont permis d’éliminer beaucoup de terroristes et réduire à néant toute leur logistique. Dans ces régions, il n’est plus facile pour les groupes terroristes d’agir comme avant. Ils ont fait le choix des villes où il est facile de perpétrer des attentats à l’impact considérable. Les opérations sont confiées à des individus qui se dissimulent dans la masse.
Vous pensez que les groupes terroristes prennent de l’ampleur et recrutent beaucoup plus ?
La principale organisation terroriste est Ançar Charia (partisan de la charia) qui est devenue la phalange de Okba Ben Nafaa. Elle est identifiée en tant que telle. Ses éléments sont connus des services de sécurité.
Sa capacité de nuisance a été atteinte suite à la lutte implacable que lui mène l’armée nationale. Cependant, il existe des cellules dormantes capables d’entrer en action et commettre des attentats. Il y a aussi des individus qui sont recrutés via les réseaux en lien avec des organisations étrangères.
Le contexte libyen n’est pas pour rassurer la Tunisie ?
Sans aucun doute. Tant du côté algérien, la Tunisie est rassurée, à l’Est la situation libyenne qui échappe à tout contrôle constitue une source d’insécurité pour nous. Les quantités d’armes qui y circulent, les batailles entre les différentes milices sont de nature à impacter négativement et directement la Tunisie.
En plus de la crise sécuritaire dans laquelle est engluée la Libye, il n’existe pas d’interlocuteur politique avec qui l’Etat tunisien peut discuter et engager une coordination politique et sécuritaire. Il y a urgence d’en finir avec le chaos libyen pour éviter que les pays voisins soient touchés. Nous devons renforcer notre capacité de défense et redoubler de vigilance de ce côté des frontières.
Au final, qu’est-ce qui motive ces groupes terroristes ?
Il est évident que nous sommes face à un combat contre les tenants d’une conception moyenâgeuse de la vie. Des gens qui veulent l’instauration de la khilafa. L’objectif de ces extrémistes est de porter un coup à la marche de la Tunisie vers la démocratie et la liberté.
Le choix d’un Etat moderne assumé et majoritaire dans la société tunisienne n’est pas du goût d’une infime minorité extrémiste qui veut un Etat de la khilafa. Les Tunisiens, dans leur majorité écrasante, se dresseront tel un rempart contre ce projet théocratique.
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