dimanche 28 juin 2015

Le syndrome algérien

La déclaration de Mme Michèle Alliot-Marie, ancienne ministre française de la Défense, proposant au régime de Ben Ali, au milieu des troubles qu’avait connus la Tunisie lors du printemps du Jasmin, une aide logistique de matraques, de masques de protection contre les gaz lacrymogènes et autres moyens de répression des manifestations, avait choqué les démocrates tunisiens car venant d’un responsable d’un pays qui se targue d’être la patrie des droits de l’homme.

L’appel solennel lancé à la suite de l’attentat meurtrier de Sousse par les autorités tunisiennes à la communauté internationale et principalement à la France pour aider la Tunisie à combattre le terrorisme qui frappe tragiquement le pays laisse penser que le  scénario vécu par l’Algérie est en passe de se répéter pour la Tunisie.

Il n’y a que le discours politique qui a changé. Alors que l’Algérie fut soumise à un implacable embargo sur les achats d’armement doublé d’une duplicité avec l’islamisme qui avait bénéficié d’un soutien politique et financier, la Tunisie de la révolution du Jasmin avait été dans les discours officiels des capitales occidentales chaleureusement saluée comme le modèle démocratique à suivre pour la région.

Ce qui s’est passé avec l’attaque du musée du Bardo, il y a quelques mois, et ce vendredi, avec le massacre de Sousse, indique bien que le soutien promis aux Tunisiens ne dépasse pas le stade des professions de foi.

La marche de solidarité avec le peuple tunisien organisée au lendemain de l’attaque terroriste du musée du Bardo et à laquelle avaient pris part des personnalités étrangères, dont le président français François Hollande, s’est révélée n’être qu’un show politico-médiatique destiné à soigner la cote de popularité des dirigeants occidentaux en mal dans les sondages.

Aucun geste concret ne semble avoir été fait par ces pays pour venir en aide à la Tunisie, quand on voit la facilité avec laquelle les groupes terroristes opèrent dans ce pays. L’armée et les services de sécurité tunisiens n’ont ni les moyens, ni la formation, ni l’expertise nécessaires en matière de renseignement et de lutte antiterroriste pour faire face à la menace terroriste. Une menace interne, mais qui a des ramifications externes en relation avec l’Etat islamique, qui rendent autrement plus complexe encore la donne sécuritaire dans ce pays.

Le président tunisien, Béji Caïd Essebsi, l’a bien compris, appelant les Tunisiens à l’unité nationale et à compter d’abord sur eux-mêmes pour faire face à la situation difficile dans laquelle se trouve le pays.

Par calcul politicien, la victime du terrorisme – même s’il s’agit d’un ressortissant européen – déplorée dans les pays pauvres ne bénéficie pas de la même compassion et du même élan de solidarité que l’attentat terroriste commis sur le sol d’une capitale occidentale. L’actualité tragique de ces dernières 24 heures nous fournit la preuve tangible que la bourse et la cote des victimes du terrorisme sont proportionnelles à la puissance du pays visé.

Une victime peut valoir, comme on l’a vu avec le dernier attentat en Isère, en France, plus que la quarantaine de victimes tombées en Tunisie, quand on voit l’émotion suscitée dans l’Hexagone au niveau politique et de l’opinion publique comparée au traitement médiatique et politique réservé aux autres attentats terroristes commis en Tunisie, Koweït et en Somalie au cours de ce vendredi sanglant. La menace terroriste est planétaire, mais les moyens de lutte ne sont pas partagés partout où le besoin se fait sentir.

Si le terrorisme continue de frapper avec une telle facilité, c’est précisément parce que les égoïsmes nationaux ont encore la vie dure. On continue à croire, à tort, que la sécurité des Etats s’arrête aux frontières nationales. L’attentat de Sousse est venu rappeler que les intérêts nationaux peuvent être menacés partout, pas uniquement sur le sol du pays ciblé. La notion de territorialité n’existe pas pour les terroristes. 

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