vendredi 26 juin 2015

La blacklist des mosquées salafistes

Les 55 mosquées que le ministère des Affaires religieuses a classées comme «salafistes» ne seraient que la partie immergée de l’iceberg. En 2011, une enquête des Renseignements généraux de la police a classé les mosquées des 48 wilayas selon les courants auxquels elles appartiennent.
Elles seraient, selon les conclusions, 5% à suivre les préceptes des Frères musulmans, 10% sans orientation (les imams y sont d’abord des fonctionnaires), 20% à représenter le courant salafya «scientifique», 20% à suivre le courant malékite nouveau, et 45% le courant malékite traditionnel. On les trouve surtout à l’est du pays, puis au centre et un peu à l’ouest. «On sait aussi qu’il existe dans certaines mosquées un courant ‘‘qutbi’’, qui s’inspire de l’idéologie de Sayed Qutb, ces partisans du djihad sont en fait l’aile salafiste djihadiste, mais du côté des Frères musulmans, explique une source sécuritaire.

On sait que ce sont des radicaux, mais ils ne le proclament pas officiellement parce qu’ils se savent surveillés.» Adda Fellahi, islamologue et ancien cadre des Affaires religieuses, s’interroge d’ailleurs sur le nombre de moquées évoquées par Mohamed Aïssa, lundi, au Forum de Liberté, et sa décision de sanctionner les imams en leur retirant leur autorisation d’exercice. «La directive du ministre concerne-t-elle seulement la capitale ? s’interroge-t-il.

Pourquoi ne pas généraliser cela aux mosquées de tout le pays ? Ce n’est pas un secret, les salafistes ont la main sur plusieurs mosquées à Blida, Boumerdès, El Oued, Constantine et Oran. Depuis quatre ans, je n’ai pas arrêté de tirer la sonnette d’alarme, mais personne ne voulait me prendre au sérieux. Aujourd’hui, la bataille sera difficile. Il fallait agir bien avant. L’Etat doit préserver sa souveraineté. La responsabilité est partagée.» La responsabilité, Belmokhi Lalaoui, chargé des relations avec la presse au parti Ennahda, en parle aussi. «Qui a introduit la mouvance salafiste ? Certainement le pouvoir ! Le ministre des Affaires religieuses n’est qu’un commis de l’Etat. On malmène le rite malékite. Il faut qu’il y ait plus de transparence et de responsabilité.

Le problème relève de la compétence du pouvoir en place, qui a déjà pris ce genre de décision sans jamais passer à l’acte. Malheureusement, on manipule les valeurs et la religion. Cela dénote de la faiblesse du pouvoir politique qui gère le pays.» Toujours selon une source sécuritaire, les Affaires religieuses mènent aussi leur enquête, mais leurs informations «sont moins précises, car les rapports se basent sur des considérations subjectives, essentiellement des réactions de comités de quartier ou des conseils des mosquées.»

Récitants

Le député MSP Naâman Laouar estime qu’il est «inacceptable» de «diviser la société en jugeant de ses composantes sur la base de leur obédience». «Ce qu’on demande, poursuit-il, c’est l’application de la loi dans tous les secteurs.» Youcef Khababa, député et chef du groupe parlementaire de l’Alliance verte, doute quant à lui du chiffre annoncé : «Je ne pense pas qu’il reflète la réalité, puisque la quasi-majorité des mosquées sont encadrées aujourd’hui par des jeunes salafistes.

Le problème dont parle le ministre aujourd’hui est dû au cumul des années de mauvaise gestion de ce dossier et de la marginalisation des universitaires. On ne peut pas continuer avec des mosquées tenues par de simples récitants de Coran.» Le porte-parole d’El Islah, Akouchi Hamlaoui, trouve qu’il y aurait aussi beaucoup à redire sur la compétence des imams. «Le ministère ne peut certainement pas encadrer et combler le vide par des imams non compétents et non universitaires, s’emporte-t-il.

Certains imams ne sont que des charlatans. Alors que la mosquée devrait être loin de toute connotation politique. A l’instar de l’école, il faut qu’elle soit le symbole de la stabilité. Mais je suis d’accord avec le ministre. Il faut respecter la référence religieuse de notre pays qui est le rite malékite. Le problème, c’est que ce secteur est abandonné.»

 

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