La présentation au dernier Conseil des ministres par le chef d’état-major de l’ùANP, le général de corps d’armée Gaïd Salah, de deux avant-projets de loi sur l’obligation de réserve dans l’institution militaire, a suscité commentaires et interrogations sur l’objectif inavoué de ce nouvel arsenal législatif qui devrait codifier – le fait est nouveau – la notion d’obligation de réserve «dans le corps de l’armée». Les personnels ciblés par ce texte de loi sont «les généraux et les officiers supérieurs en retraite». Cette vision catégorielle fondée sur un ordre hiérarchisé de la notion du secret-défense – car c’est de cela qu’il s’agit dans l’absolu – trahit, dans l’esprit des concepteurs de ces réformes liées au respect des règles de la discipline militaire, un profond embarras qui n’est pas sans rapport avec les langues qui ont commencé à se délier dans les rangs, notamment de hauts officiers supérieurs en retraire et qui ont valu à leurs auteurs emprisonnement pour certains, sévères mises en garde pour d’autres. Le général Hocine Benhadid fait les frais par anticipation, avant la mise en place du nouveau cadre législatif, de son supposé manquement au code de la discipline militaire visant à rappeler, à ceux qui l’auraient oublié, qu’un militaire, a fortiori un haut gradé, même retraité, n’a pas à avoir d’opinion. Le tir de sommation s’adresse aussi, manifestement, au général Toufik dont la hiérarchie n’a pas, selon toute apparence, apprécié sa sortie médiatique dans laquelle il prenait la défense de son ancien collaborateur, le général Hassan, aujourd’hui incarcéré lui aussi. Ebranlé par ces témoignages avisés sur l’actualité du pays, l’état-major, actionné par l’Exécutif, a donc décidé de frapper fort afin que personne ne sorte plus jamais des rangs et des lignes rouges imposées par l’obligation de réserve qui sera désormais codifiée par la loi. Ce n’est plus une disposition statutaire interne régie par le règlement militaire. On l’aura compris, le rappel à l’ordre est destiné aux retraités de l’armée – très peu nombreux – qui interviennent dans les médias pour contribuer au débat public. Les officiers supérieurs en fonction ne risquent pas d’avoir la langue fourchue sachant les risques qu’ils encourent. La question de l’obligation de réserve dans l’armée n’est pas une invention, une spécificité de l’Algérie. Sauf que dans les pays démocratiques, il n’y a pas cet amalgame entretenu dans notre pays qui consiste à sacraliser tout ce qui a trait de près ou de loin à l’institution militaire. A voir dans la moindre opinion émise par un haut gradé — qui est aussi un citoyen concerné par ce qui se passe dans son pays — un complot contre la nation et l’unité de l’armée. Comment faire la part des choses entre ce qui relève de la liberté d’expression et d’opinion reconnue par la loi aux militaires dans le cadre de l’exercice de la citoyenneté et ce qui a trait à la violation du secret défense à proprement parler : ce débat cornélien est d’actualité même dans les démocraties libérales. La France a revu sa législation en la matière en 2005 pour redéfinir la notion du «devoir de réserve» dans l’armée en amendant une loi datant de 1972. «L’obligation de loyauté» surdétermine «le devoir de réserve». En Algérie on ne fait pas dans la nuance : l’avant-projet de loi parle d’«obligation de réserve». Pour les observateurs, c’est une censure qui ne dit pas son nom à laquelle on veut soumettre les anciens officiers supérieurs de l’armée dont les déclarations pourraient gêner le pouvoir dans ce climat de confusion autour de la course à la succession.
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