mercredi 17 juin 2015

«Tout le monde est exposé au danger»

- Pensez-vous que l’Algérie est un paradis pour les cybercriminels ?

Je ne crois pas qu’elle le soit, enfin, pas plus que les autres pays. Chaque citoyen ou chaque entreprise connectés sont par définition exposés à ces cybercriminels. L’essor de la criminalité numérique dans un pays est totalement dépendant de l’état de maturité et de développement des TIC. L’Algérie fait des efforts dans ce domaine, mais n’en est qu’à ses débuts en matière d’économie numérique. Les entreprises et institutions algériennes ont effectivement des lacunes importantes en matière de protection de leurs systèmes d’information.

L’Association algérienne de la sécurité des systèmes d’information (AASSI), que j’ai l’honneur de présider, a présenté lors du Forum sécurité IT, le 17 mars dernier, la première enquête de maturité des institutions et entreprises algériennes en matière de sécurité des systèmes d’information. Cette enquête a démontré clairement le retard considérable de notre pays dans ce domaine et a permis peut-être d’éveiller quelque peu les consciences sur l’urgence de se prévenir des menaces actuelles et à venir.

- Faut-il réglementer encore plus la navigation sur la Toile en adoptant de nouveaux textes juridiques ?

Notre pays n’a pas nécessairement besoin de nouvelles lois pour lutter contre la cybercriminalité, mais plutôt d’ajustement aux contraintes d’aujourd’hui et de demain du cyberespace qui évolue quotidiennement avec son lot de nouvelles menaces. La priorité pour notre pays est la mise à niveau en matière de lutte contre la cybercriminalité de l’ensemble des acteurs de la nation en commençant par nos enfants, les citoyens de demain.

Il est indispensable que dès le plus jeune âge et tout au long de leur scolarité, un programme adapté soit enseigné pour les éduquer sur le bon usage des moyens numériques, les dangers qu’ils renferment et les méthodes pour s’en prémunir. Un enfant, par exemple, ne doit jamais rester seul à naviguer sur internet sans la vigilance des parents ; il faut rappeler les dangers et parfois les conséquences dramatiques que peut courir un enfant sur internet.

Des programmes nationaux de sensibilisation des citoyens, jeunes et moins jeunes, parents et non parents doivent être menés par nos institutions. Des cursus spécialisés doivent voir le jour dans les matières et spécialités que regroupe le domaine de la sécurité des systèmes d’information, l’Algérie a besoin de professionnels pour mener à bien ce chantier.

- Qu’en est-il pour les institutions économiques du pays ?

Les institutions et les acteurs économiques doivent être à l’avant-poste en mettant au cœur de leurs stratégies la sécurité de leurs systèmes d’information pour la protection de leur patrimoine numérique. Celui-ci renferme des informations critiques sur les collaborateurs, les partenaires clients/fournisseurs, les données financières et juridiques qui sont pour la plupart confidentielles et souvent concurrentielles.

Ce patrimoine peut, s’il est compromis, mettre en péril l’image, la crédibilité et même hypothéquer l’avenir d’une entreprise. Pour le cas d’une institution et en fonction de la criticité de cette dernière, les impacts sont évidents.

Pour notre pays, une vigilance particulière doit être apportée aux infrastructures critiques. Ces infrastructures sont vitales pour le fonctionnement du pays et de son économie et regroupent la production, le transport et la distribution d’électricité et d’hydrocarbures, les télécommunications, les services financiers et de sécurité. Même s’ils ne sont, pour la plupart, pas interconnectés au réseau internet, leur sécurisation continuelle est vitale.

La découverte du malware StuxNet à l’origine de la destruction d’une partie des centrifugueuses iraniennes de la base de Natanz a mis en lumière le potentiel destructeur de ce type d’attaques. Ce réseau n’était pourtant pas connecté à internet. Ce type d’attaque prouve incontestablement la fragilité des infrastructures vitales et des réseaux gouvernementaux. Il est temps que l’Algérie développe ses capacités intellectuelles, se prépare aux défis de demain et fasse de l’économie numérique un facteur de développement.

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