Sept ans après son introduction en Algérie par Chakib Khelil, FCP, société canadienne qui offre des services de gestion de titres, est passée du statut de simple start-up, à celui de «société pétrolière» engagée en joint-venture avec Sonatrach dans un des plus importants projets de développement de gisement gazier dans la région. Bénéficiaires d’un non-lieu à poursuivre — prononcé en octobre dernier par un tribunal de Milan — ENI, le groupe parapétrolier italien, son ex-patron Paolo Scaroni (ainsi que Antonio Vella et Alexandro Bernini, respectivement responsable de la division Afrique du Nord et directeur financier du groupe), répondront à partir de ce 28 juin des accusations de «corruption internationale» et de «fraude fiscale» dans le cadre de l’affaire Saipem. Fixées au 28 juin et au 1er juillet, les deux prochaines audiences revêtent, selon La Repubblica, le quotidien italien de centre gauche, un caractère décisif. Le juge devra soit entériner la demande des procureurs Fabio De Pasquale et Isidoro Palma de juger la conduite du géant italien et de ses anciens dirigeants en Algérie, ou réitérer le non-lieu qui a été, pour rappel, annulé le 24 février dernier par la Cour suprême italienne. A 70 ans, Paolo Scaroni, ex-PDG d’Ente nazionale idrocarburi (ENI), est directement mis en cause dans le paiement de 198 millions d’euros de commissions à des dirigeants algériens, dont l’ancien ministre de l’Energie, Chakib Khelil, pour l’obtention de sept gros contrats d’un montant avoisinant les 8 milliards d’euros. C’est dans le contrat FCP — du nom de la société fiduciaire canadienne First Calgary Petrolum acquise par ENI — que l’implication de Paolo Scaroni — et de Chakib Khelil — apparaît sous ses jours évidents. Dans le maquis de contrats frauduleux, les magistrats italiens avaient en effet mis au jour l’arnaque FCP et ses 41 millions d’euros de pots-de-vin versés au duo Khelil-Bedjaoui. Le 8 septembre 2008, ENI Holding Canada, filiale du groupe italien, annonce avoir acheté pour 609 millions d’euros (933 millions de dollars) 75% des «actifs» de FCP en Algérie. Il s’agit d’un seul actif en réalité : le bloc 405b du gisement Menzel Ledjmet-Est (MLE), détenu en association (75% du capital social détenu par FCP) avec Sonatrach. MLE bloc 405b est partie intégrante de ce gisement d’huile et de gaz humide découvert par Sonatrach en 1993 dans le bassin de Berkine, à 220 km au sud-est de Hassi Messaoud et qui fait figure d’une des plus importantes découvertes jamais réalisées depuis les nationalisations, en 1971. Menzel Ledjmet-Est et ses périmètres d’extension, ce sont 18 puits de gaz humide et/ou de mélange huile et gaz (potentiel évalué à 1,3 trillion de pieds cubes, soit 400 millions de barils équivalent pétrole) qui furent «liquidés» pour 41 millions d’euros de bakchichs. Sept ans après son introduction en Algérie par Chakib Khelil, FCP, dont le capital social était détenu à 80% par CDS & Co, société canadienne qui offre des services de gestion de titres, est passé du statut de simple start-up, à une «société pétrolière» engagée en joint-venture avec Sonatrach dans un des plus importants projets de développement de gisement gazier dans la région. Les aveux et déclarations des principaux managers de ENI-Saipem dont Pietro Varone et Tullio Orsi (dans l’ordre : directeur des opération Saipem, et country manager de Saipem Algérie) mettent en évidence l’implication directe du trio Khelil-Scaroni-Bedjaoui dans le scandale FCP. Pietro Varone, dans sa déclaration spontanée aux juges de Milan, affirme que les 41 millions d’euros de commissions avait été payés à Pearl Partners (la société écran de Farid Bedjaoui) pour obtenir «le OK des autorités algériennes dans l’acquisition de FCP par ENI ainsi que pour baliser les conditions économiques de l’exploitation du gisement MLE». «Les contacts avec Khelil, déclare-t-il, avaient été engagés au plus haut niveau d’ENI, directement avec Paolo Scaroni. Les trois personnages-clés (Khelil, Scaroni et Bedjaoui) s’étaient plusieurs fois rencontrés à Paris, Vienne et Milan.» Personnage central s’il en est, Paolo Scaroni, qui s’est toujours défendu d’une quelconque implication dans le scandale — affirmant ne «rien savoir des prétendus pots-de-vin versés à l’Algérie» — fait incontestablement partie, avec Farid Bedjaoui, des rares personnes à pouvoir confondre l’ancien ministre algérien du Pétrole dans ses forfaitures d’anthologie. Le rôle de Scaroni — dont la société The Paolo Scaroni Trust est sous le coup d’une autre enquête pour avoir servi au transfert des 198 millions d’euros de pots-de-vin — est également confondu par les écoutes téléphoniques réalisées par les juges italiens. Dans l’une d’elles, en 2013, Paolo Scaroni avouait presque son «crime». «Je suis également d’accord qu’ils sont en quelque sorte des pots-de-vin donnés à des responsables politiques algériens», reconnaissait Scaroni lors d’un échange téléphonique avec Corrado Passera, ancien ministre du Développement économique.
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