Le rejet massif des citoyens de nouveaux droits de timbre imposés aux documents électroniques va-t-il faire reculer le gouvernement, sachant que le projet de loi n’est pas encore examiné par le Conseil des ministres ? Les droits de timbre institués pour la délivrance des documents électroniques, tels que le passeport, le permis de conduire ou encore la carte d’identité, suscitent une forte désapprobation des Algériens. La justification faite par le Premier ministre de ces taxes n’a convaincu personne. Bien au contraire, elle a affolé les réseaux sociaux. La confirmation de ces taxes par ses services, avant même que le projet de loi ne soit validé en Conseil des ministres, a aggravé la colère des gens et provoqué une large vague d’indignation. Avec un trait d’humour et des messages politiques très forts, des campagnes sont lancées sur les réseaux pour faire tomber ces taxes qualifiées d’«injustifiées», «insensées», «indécentes» voire même de «honteuses». «A 10 000 DA le droit de timbre pour un passeport simple, cela devient inaccessible. J’allais les faire pour mes enfants et ma femme. Mais là, je risque d’y renoncer si ces taxes se confirment. Car à quatre, c’est beaucoup plus que mon salaire mensuel», tonne un père de famille, totalement désarçonné d’apprendre cette triste nouvelle. Carte d’identité payante «Les 1,5 million de martyrs ne sont pas morts pour acheter au prix fort notre carte d’identité nationale», dénonce un internaute qui refuse ainsi de débourser 2500 DA pour obtenir sa carte d’identité. Un autre lâche d’un trait humoristique : «J’ai commencé les démarches pour aller m’installer au Zimbabwe. C’est trop cher de vivre en Algérie !» Un autre affirme, en plaisantant : «J’allais divorcer après avoir appris que ma femme avait perdu sa carte d’identité, son permis de conduire et la carte grise du véhicule !» Une manière pour lui de dénoncer les taxes excessives qui vont grever encore davantage le budget des ménages. D’autres internautes relèvent la gratuité de la carte d’identité ailleurs, dans des pays comme la France. Et ils ont lancé une campagne «Ma nedihache (Je ne la prends pas)». «Il n’y a pas un Etat au monde qui vend les documents d’état civil à ses citoyens, parce qu’il s’agit d’un service public assuré grâce aux impôts payés par ces mêmes citoyens», fulmine un internaute qui appelle le Premier-ministre à dégager. «Tu payes ta carte d’identité, c’est la preuve que tu n’es pas considéré comme un citoyen», poursuit-il. Un autre ironise : «Après la lutte pour l’identité, voilà la lutte pour la carte d’identité». Les commentaires et les post sur Facebook sont très nombreux. Ils expriment tous le rejet de ces taxes par les Algériens. «Un passeport à plus de 1500 DA, c’est du vol et un acte d’appauvrissement des Algériens. En France, le passeport pour les adultes est fixé à 85 euros et pour les enfants de 15 ans il est fixé à 17 euros, contre un salaire minimum garanti de 1498 euros», peste un cadre dans le domaine de la communication. «Quittance passeport : 10 000 DA. Quittance permis de conduire : 15 000 DA. Quittance carte d’identité : 2500 DA. Total : 27 500 DA. Le salaire national minimum garanti est à 18 000 DA. Il faudrait donc que le pauvre Algérien emprunte 9500 DA pour qu’il soit citoyen à part entière ! Vive le pouvoir et vive le 5e mandat !», lance ironiquement un autre internaute qui se demande pourquoi les dirigeants du pays ne craignent plus le peuple. Des villas au dinar symbolique Certains évoquent les privilèges excessifs de la clientèle du pouvoir et des cercles affairistes qui fuient l’impôt. «Des villas et des terrains sont cédés au dinar symbolique et on vend au pauvre peuple des pièces d’identité au prix fort», tonne un internaute, qui, lui aussi, désapprouve cette mesure qui n’obéit, selon lui, à aucune logique. Comparaison La page «Thagastoise», qui mène aussi campagne contre ces taxes, met en avant le caractère obligatoire de la carte d’identité nationale qui justifie sa gratuité. «Seulement, en Algérie on doit la payer. Un pays qui taxe à tout-va et qui épargne les plus riches. La prochaine fois, les Algériens vont payer leurs actes d’état civil», lit-on sur cette page qui fait le comparatif entre le prix du passeport dans certains pays et l’Algérie. Ainsi, «la Suisse qui est connue comme étant un des pays les plus chers au monde offre à ses citoyens le passeport à seulement 140 francs suisses, soit à peine 115 euros», ajoute-t-on sur cette page qui cite aussi la Tunisie dont le passeport biométrique de 28 pages est à seulement 27 euros et au Maroc à 45 euros, alors qu’en Algérie un tel passeport revient à 75 euros. Les internautes répondent également au Premier ministère sur le coût du passeport. «Quant au coût réel du passeport, il ne peut dépasser les 2800 DA sachant qu’en France le coût de fabrication d’un passeport est de seulement 21 euros. Le coût global avec tous les frais annexes (salaires des fonctionnaires et frais ANTS), il revient à 53 euros. Sachant que le salarié français coûte 12 fois plus cher que son homologue algérien», affirme-t-on dans la même page. Les internautes ont donc battu en brèche les arguments du Premier ministère selon lesquels ces droits de timbre correspondent au coût réel de production des documents concernés. Dans un communiqué rendu public jeudi, le Premier ministère avait justifié ces taxes et avait rejeté «les critiques sur l’atteinte au pouvoir d’achat des citoyens, car ce sont des documents d’une validité maximale de dix ans». Cette désapprobation des citoyens va-t-elle faire reculer le gouvernement, sachant que le projet de loi n’est pas encore examiné par le Conseil des ministres ?
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