Dans ce contexte d’incertitudes politiques et économiques, le gouvernement a-t-il renoncé à mener la bataille contre l’économie informelle et la corruption qui gangrènent notre société ? Si c’est le cas, pourquoi ? Est-ce la volonté politique qui fait défaut, ou alors l’impuissance de l’Etat à faire face aux lobbies ? Depuis la chute des prix du baril de pétrole, les pouvoirs publics ne cessent de faire supporter aux citoyens de nouvelles taxes, la dernière en date, même si elle est à l’étude, concerne l’augmentation des tarifs des documents de l’état civil. Le gouvernement choisit, selon certains experts et observateurs, la facilité à la place des solutions appropriées en imposant, à juste titre, l’impôt sur la fortune ou en s’attaquant au marché informel qui coûte très cher aux collectivités nationales en raison, entre autres, de l’évasion fiscale, la non-déclaration de l’activité et des salariés, le non-paiement des impôts, la surfacturation... Il représente près de la moitié du PIB et pèserait, selon certaines études, 50 milliards de dollars par an. Concernant justement l’évasion fiscale due à la sphère informelle, l’Union générale des commerçants et artisans algériens (UGCAA) estime que le manque à gagner induit par l’évasion fiscale dans les transactions commerciales en Algérie dépasserait 3 milliards de dollars. A travers l’ensemble du territoire national, il y a environ 1,25 million de commerçants qui exercent dans la sphère légale contre près de 1,5 million qui sont dans la sphère informelle. En somme, 50% du marché algérien est occupé par le secteur informel et plus de la moitié du chiffre d’affaires des activités commerciales échappe au Trésor public. D’aucuns estiment que les plus grosses fortunes en Algérie ne sont pas forcément dans la sphère réelle mais plutôt dans l’informel. Il est clair que l’Etat s’est montré, plusieurs fois, incapable d’affronter les gros barrons de l’informel. Les prédécesseurs d’Ahmed Ouyahia s’y sont déjà appliqués, mais en vain. Les différents gouvernements ont recouru à toutes sortes de subterfuges, y compris à la promesse d’amnistie fiscale, pour attirer dans le circuit officiel les détenteurs de l’argent activant dans ce marché, mais sans résultat. La loi des lobbies En 2011, les pouvoirs publics avaient décidé de prendre le taureau par les cornes en menant des opérations musclées dans des quartiers pour éradiquer les marchés parallèles. Une opération qui a failli provoquer des émeutes, et de l’avis de beaucoup d’observateurs, le refus des détenteurs de l’argent issu de l’informel d’intégrer le circuit bancaire est lié à l’absence de confiance dans les autorités et, surtout, à l’absence de contrepartie. Pour d’autres parties, notamment la formation de Louisa Hanoune qui fait de cette question son cheval de bataille, l’impuissance des pouvoirs publics à faire face à l’informel est due essentiellement à l’absence d’une volonté politique et surtout à la puissance des lobbies qui agissent dans et en dehors des institutions pour mettre en échec toute réforme susceptible de remettre en cause leurs intérêts, ajoutée à cela l’absence de moyens de contrôle démocratique ouvrant ainsi la voie à tous les dérapages. Tous s’accordent à dire que seul un Etat fort de la légitimité de ses institutions, dont les assemblées élues, sera capable de ramener l’informel vers le légal. Le marché noir favorise toutes sortes de blanchiment d’argent sale et lutter contre ce fléau n’est pas impossible, et peut être fait, notent les experts, si la volonté politique est présente. S’agissant de la lutte contre la corruption et malgré les promesses ressassées à chaque occasion, le gouvernement peine à convaincre l’opinion de sa capacité à engager une réelle bataille contre ce fléau, et les scandales évoqués par-ci par-là ne font que conforter le citoyen dans sa position. Pour ce qui est de la question de l’impôt sur la fortune, dont beaucoup réclament son instauration, elle a été inscrite dans la loi de finances 2018 , mais a été abrogée par la majorité parlementaire avec, dit-on, la complicité du gouvernement qui ne l’a pas réintroduite par amendement oral en plénière lors du vote de cette loi. Ce rejet est-il motivé par le fait que les personnes concernées ne sont pas connues, ou se nichent tout simplement dans l’activité informelle ? C’est la question que se sont posée les parlementaires qui ont soutenu que les revenus qu’aurait engrangés l’Impôt sur la fortune (ISF), en centaines de milliards de dinars, auraient eu une répercussion certaine et conséquente à hauteur de 60% sur le budget de l’Etat, à 20% sur le Fonds national du logement et 20% sur le budget des collectivités locales.
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