Plus que la tenue d’élections, la normalisation financière du pays reste la priorité de Ghassan Salamé, qui espère réunir les deux Banques centrales afin de relancer la machine d’Etat libyenne et financer plus efficacement la remise en ordre du pays. Confronté à une situation politique et militaire chaotique, le représentant spécial du secrétaire général de l’ONU Ghassan Salamé ne ménage aucun effort, depuis juin 2017, pour aider les Libyens à sortir leur pays de l’ornière. Pas plus tard que le 21 mai dernier, il avait encore insisté devant le Conseil de sécurité sur l’importance de tenir des élections le plus rapidement possible afin de mettre un terme à la transition, tout en veillant à la mise en place de conditions propices à leur bon déroulement. Cela, a-t-il dit, à commencer par une législation électorale qui satisfasse la majorité des habitants. Selon lui, «le moment est venu de tourner la page sur l’accord politique libyen de Skhirat» compte tenu des demandes répétées d’amendements et du refus des parties de faire les concessions nécessaires. La conférence internationale sur la Libye, organisée hier à Paris à l’initiative du président français Emmanuel Macron, vient en quelque sorte conforter son plan de sortie de crise qui prévoit aussi la tenue d’élections législatives et présidentielle avant la fin de l’année. Il en avait grand besoin vu le parcours de combattant qui est le sien. Mais plus que la tenue d’élections, la normalisation financière du pays reste la priorité de Ghassan Salamé, qui espère réunir les deux Banques centrales afin de relancer la machine d’Etat libyenne et financer plus efficacement la remise en ordre du pays. Il avait d’ailleurs souligné, lors de la présentation de son rapport d’étape devant les membres du Conseil de sécurité de l’ONU, que pour faire progresser le processus politique en Libye, il importe avant tout de «torpiller le modèle économique pervers du pays qui fournit aux rares personnes qui sont au cœur de l’impasse politique de la Libye toutes les occasions pour piller les coffres de l’Etat et pour s’opposer à toute action susceptible de porter atteinte à leur économie prédatrice». Le représentant spécial du secrétaire général de l’ONU faisait bien évidemment allusion aux différentes milices ainsi qu’aux seigneurs de la guerre qui tiennent actuellement en otage la Libye. Il profite de l’occasion pour avertir que l’influence «périlleuse» des groupes armés sur la politique et l’économie risque de s’étendre. Autre urgence, la question des 320 000 déplacés, elle aussi liée au morcellement du territoire libyen et aux profondes rancœurs entre populations. Le constat donne une idée du travail qui reste à abattre avant de tenir les élections auxquelles appelle la conférence de Paris sur la Libye. Mais sur la question précise des élections, le représentant spécial s’est tout de même félicité du processus de consultation lancé en avril par la conférence nationale, pour permettre aux citoyens de faire part, d’ici à la fin juin, de leur vision pour le pays et des principes à adopter pour sortir de la crise actuelle. Optimisme mesuré Des Libyens de tous bords ont participé à cette conversation politique, «avec un enthousiasme qui n’aurait pu être prédit», s’était-il réjoui. Parmi les points de consensus qui se sont dégagés de ce processus consultatif à large échelle, il a notamment cité la nécessité de décentraliser l’Etat afin de bâtir une nation unie et souveraine, l’urgence de veiller à une distribution plus équitable des ressources publiques, la création d’institutions de l’Etat unifiées et transparentes, ainsi que le besoin de disposer d’une armée professionnelle. Selon sa feuille de route, ce processus doit déboucher sur une grande conférence nationale pour la réconciliation des Libyens à la fin du mois de juin, une réforme constitutionnelle en septembre et la tenue des élections parlementaires et présidentielle en décembre. Mais là aussi, il faut peut-être accueillir l’optimisme de Ghassan Salamé avec modération. Si tout le monde aujourd’hui en Libye soutient effectivement l’idée d’aller vers des élections, il se trouve qu’il n’y a pas encore d’accord sur les modalités du référendum censé avaliser la nouvelle Constitution libyenne. Certains contestent même le texte initial, adopté en juillet 2017 dans une ambiance houleuse, puis gelé suite à une décision du tribunal administratif d’El Beïda, dans l’Est. Or sans base constitutionnelle, il y a peu de chance que des élections puissent être organisées en Libye dans les délais voulus. Ajouté à cela, il faut peut-être rappeler aussi que le pays est toujours divisé entre le gouvernement d’union nationale et le Parlement de Tobrouk. Et chacun conteste la légitimité de l’autre. Malgré tout ces écueils, l’espoir est permis. Engagé dans une véritable course contre la montre, Ghassan Salamé peut effectivement réussir son pari d’éteindre le brasier libyen, surtout que le chef du gouvernement d’union nationale (GNA), Fayez Al Sarraj, le président du Conseil d’Etat, Khaled Al Mechri, basés à Tripoli, et leurs rivaux de l’Est libyen, le maréchal Khalifa Haftar et le président de la Chambre des représentants, Aguila Salah, ont promis cette fois de taire leurs divergences et de jouer le jeu. Il faut juste espérer que tous ces acteurs-clés ne se débineront pas à la dernière minute comme ils ont eu à le faire tout juste après la rencontre de la Celle-Saint-Cloud.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire