Dans une lettre ouverte initiée par le journal L’Humanité, 54 personnalités interpellent Emmanuel Macron sur l’affaire de l’assassinat de Maurice Audin. Elles demandent au président français de prendre une décision forte et historique en reconnaissant le crime d’Etat dans cette affaire. «Monsieur le président de la République, vous avez promis des ‘‘actes forts sur cette période de l’histoire’’. La reconnaissance des sévices subis par Maurice Audin, puis de son assassinat par l’armée française serait cet acte fort. Le moment est venu. Pour sa famille d’abord, qui l’attend depuis plus de soixante ans, mais aussi pour les milliers d’Algériens ‘‘disparus’’ comme Maurice Audin de l’autre côté de la Méditerranée», lit-on dans cette lettre publiée hier intégralement par L’Humanité. Les signataires rappellent qu’«il y a quelques semaines, l’affaire Audin est réapparue dans le débat public». L’affaire Audin a fait couler beaucoup d’encre des deux côtés de la Méditerranée. Les signataires de cet appel précisent qu’«en 1999, l’Etat français reconnaissait officiellement la ‘‘guerre d’Algérie’’, qui ne fut ni de simples ‘‘événements’’ ni des ‘‘opérations de maintien de l’ordre’’, mais bien ‘‘une sale guerre’’, dont les plaies peinent encore à cicatriser». «En 2014, le président de la République, François Hollande, reconnaissait que la thèse de l’évasion de Maurice Audin était un mensonge d’Etat et qu’il était bien mort au cours de sa détention», ajoutent-ils, soulignant que tous les travaux de recherche menée sur cette affaire ont établi que «Maurice Audin avait été torturé et assassiné par l’armée française, agissant dans le cadre des pouvoirs spéciaux votés par le pouvoir politique». Mais tout a été fait, selon eux, au plus haut sommet de l’Etat français «pour camoufler la vérité sur les crimes perpétrés par l’armée française pendant la guerre d’Algérie. Et toute une génération d’appelés a été marquée à vie, murée dans le silence et la honte». Aujourd’hui, affirment-ils, «les mémoires algérienne et française restent hantées par les horreurs qui ont marqué cette guerre, tant que la vérité n’aura pas été dite et reconnue, comme le relevait déjà l’Appel des douze grands témoins contre la torture, publié en octobre 2000 dans L’Humanité. Il est aujourd’hui grand temps d’apaiser cette mémoire pour aller de l’avant», insistent-ils, espérant un grand geste de Macron. Parmi les signataires de cet appel, on peut citer Karim Amellal (écrivain), Florence Beaugé (journaliste), Esther Benbassa (sénatrice), Anissa Bouayed (historienne), Simone de Bollardière (veuve du général Jacques Pâris de Bollardière, opposé à la torture et condamné à deux mois de forteresse), Raphaël Glucksmann (directeur de la rédaction du Nouveau Magazine littéraire), Benjamin Stora (historien) et Aurélie Filippetti (ex-ministre de la Culture sous Hollande). Maurice Audin, mathématicien communiste, âgé de 25 ans, a été arrêté en juin 1957 par les parachutistes du général Massu devant sa famille, avant d’être torturé et puis assassiné. En janvier dernier, Cédric Villani, mathématicien et député, a interpellé le président Macron sur cette affaire. Un mois plus tard, Cédric Villani lance un appel avec Sébastien Jumel, pour la «reconnaissance officielle de l’assassinat de Maurice Audin par l’armée française, en présence de Josette Audin et son fils Pierre». Un appel qui demeure jusqu’à présent sans réponse.
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