jeudi 18 juin 2015

La promesse d’un pluralisme politique tuée dans l’œuf

Le coup d’Etat de 1965 a eu lieu trois jours après l’annonce d’un accord signé entre le FLN et le FFS, qui mettait fin à l’insurrection du FFS et promettait aussi de mettre fin à l’hégémonisme du parti unique.
Beaucoup d’encre a coulé sur les raisons qui ont poussé, en 1965, le colonel Boumediène à déposer celui qu’il intronisa en 1962 comme président de la République. Mais l’une d’elles mérite d’être relevée car elle explique la nature du «danger» que pouvait représenter une réconciliation de Ben Bella avec l’opposition. Le coup d’état de 1965 a eu lieu trois jours après l’annonce d’un accord signé entre le FLN et le FFS. Cet accord mettait fin à l’insurrection du FFS et promettait aussi de mettre fin à l’hégémonisme du parti unique. Une bombe dans la maison dictature instaurée en 1962 par l’armée des frontières.

Le clan d’Oujda qui est le nom du groupe composé de Houari Boumediene et ses compagnons Cherif Belkacem, Abdelaziz Bouteflika, Kaïd Ahmed et Ahmed Medeghri, sentait le vent tourner et l’eau risquait de prendre dans la demeure du pouvoir qu’ils mirent en place en violation des idéaux du 1er Novembre 1954. Alors que Hocine Aït Ahmed est arrêté en octobre 1964 et condamné à mort par le tribunal militaire, Ahmed Ben Bella qui commençait à s’éloigner de ceux qui l’ont intronisé «roi» d’Alger décide de retrouver ses frères de combat contre le colonialisme. Il charge Omar Oussedik, alors ambassadeur d’Algérie à Sofia, de rentrer en contact avec les dirigeants du FFS afin de les convaincre de mettre fin à leur mouvement dans les maquis kabyles.

Le commandant Azeddine, avait livré, dans une de ses sorties médiatiques, son témoignage sur les faits qui se sont déroulés. Il parle des négociations menées par son ami Omar Oussedik, l’envoyé de Ben Bella et Sadek Dehyliss côté FFS. Avant d’entamer ces négociations, Omar Oussedik en rendit compte à son supérieur hiérarchique, le ministre des Affaires étrangères, qui n’était autre qu’Abdelaziz Bouteflika. «Sans avoir l’air d’y toucher, mais très attentif à la réponse qu’il allait lui donner, Bouteflika s’inquiéta : – Quel est son objectif ? – Son objectif ? – Oui.

Quel but poursuit le Président en t’envoyant chez les gars d’Aït Ahmed ? D’autant que celui-ci a été arrêté, jugé et condamné et qu’il attend maintenant en prison son exécution. – C’est évident qu’il veut stopper définitivement le FFS, ou du moins ses résidus qui présentent encore une capacité certaine de nuisance. Autrement dit, il a besoin d’un curetage politico-militaire pour arriver à la Conférence afro-asiatique à la tête d’un pays apaisé, calme, stable, tranquille et un peuple uni autour de sa personne… Ce n’est qu’après qu’il s’occupera de vous», répondit donc Omar Oussedik à Bouteflika.

Les tractations Ben Bella-FFS débutèrent sans que Boumediène n'y soit associé, mais ses services l’informaient des moindres détails.
Le 16 juin 1965, un premier accord est conclu  et portait sur le cessez-le feu, la libération des détenus politiques, l’indemnisation des familles des militants tombés sous les balles de l’ANP (plus de 400), la réhabilitation des militants du FFS dans leur statut d’anciens combattants de l’ALN, le retour des militants du FFS à la vie civile et la reconnaissance du statut de martyr à toutes les victimes.

Restait à traiter des questions politiques et de la reprise des négociations sur l’ouverture politique après la tenue, le 25 juin, de la Conférence afro-asiatique. L’accord en question ouvrait donc la voie à des perspectives d’ouverture politique et de multipartisme, la reconnaissance du FFS en était la pierre angulaire et promettait un retour à la légitimité.

Une légitimité spoliée, un certain été 1962, par ce même Ben Bella allié de Boumediène. Ce dernier et ses compagnons ont entrepris d’écarter toutes les têtes et historiques de la révolution, et instaurer un pouvoir autoritaire dans lequel l’armée tiendrait le rôle de décideur de l’ombre. Ben Bella se sentait lui aussi menacé par la trop grande ambition de Boumediène, il lui fallait s’en débarrasser. L’accord FFS/FLN menaçait d’ébranler l’édifice militaro-despotique de Boumediène et c’est ce qui précipita le coup d’Etat du 19 juin 1965.

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