Entretien réalisé par Akli Rezouali Le gouvernement annonce une réforme dès 2019 visant «l’élargissement des produits fiscaux des communes». Quels peuvent être les enjeux d’une telle démarche ? C'est un sujet très important, qui nécessite une très profonde analyse, car il y va de la philosophie même du système fiscal national, de la vision et de l'approche de gestion des finances publiques par le mécanisme de la décentralisation administrative et financière. Et in fine, de la décentralisation de la décision politique. Car, la question de la fiscalité locale touche à l'importance et la conception du rôle et des prérogatives de ces institutions à l’échelon local. Or, il s'agit d'un enjeu politique stratégique, pour lequel la volonté politique est probablement en sommeil ! Les impôts locaux ont toujours constitués le parent pauvre du système fiscal national. Quelles en sont les raisons ? La question des finances locales, y compris l'épineuse problématique de la fiscalité locale, est tributaire de la stratégie de l'aménagement du territoire, et la péréquation financière entre les régions. Or, en dépit des différentes et nombreuses réformes successives, introduites en termes de finances locales depuis 1962, en produisant des refontes et restructurations des institutions communales et départementales, toutes ces questions n'ont pas fait l'objet de réflexions sérieuses et efficaces jusqu’alors ! La fiscalité locale en Algérie s'adosse au concours de l'Etat, et se présente comme une simple affectation des recettes de la fiscalité nationale, aux collectivités locales. Néanmoins, la diversité de sources des recettes locales est réduite, car ces dernières proviennent des subventions de l'Etat, l'exploitation communale, les recettes fiscales, principalement la taxe sur l'attractivité professionnelle, la taxe d’assainissement, la taxe foncière et la TVA (selon les taux de répartition). Les collectivités locales sont-elles suffisamment autonomes et matériellement à même d’assumer un meilleur rôle dans la gestion de la fiscalité ? Les collectivités territoriales ne possèdent pas les moyens, ni physiques ni juridiques, pour lever l'impôt en Algérie, ou pour assurer l'autofinancement local. Quand on sait que l'administration centrale souffre de carences de ce genre, donc, on n'en parle même pas des collectivités territoriales. Les disparités de développement entre les différentes régions du pays ne risquent-elles pas d’entraver la mise en place d’une réelle réforme de la fiscalité locale ? La question des disparités entre les régions, en réalité, ne pose pas un souci en soit, puisque c'est la redistribution nationale à travers le budget national qui est censée assurer l'équilibre entre les régions. En outre, la fiscalité locale n'est pas nécessairement identique dans tous les territoires, et ce, en relation avec les richesses et atouts que possède chaque site. Donc la disparité n'est pas un achoppement de mise en place de la politique de fiscalité locale. Où réside alors la difficulté de réformer efficacement la fiscalité locale ? Le problème se pose dans les ressources mêmes que possèdent, ou pas d'ailleurs, les communes. Là, surgit la question d'identification des atouts et richesses d'un territoire ou d'un site. Notamment la politique publique de valorisation de ces atouts, et qui peuvent, à juste titre, constituer l'assiette fiscale ou le gisement de ressources locales ! Or, sans une politique publique ou stratégie d'aménagement du territoire, la valorisation des atouts des territoires est illusoire ! La question de la fiscalité locale doit impérativement passer par le réexamen de la fiscalité nationale, où il convient de repenser le déliement de la fiscalité locale de celle nationale. Ce qui permet l'élaboration d'un système fiscal autonome. Accompagnée parallèlement par une véritable décentralisation de la décision managériale (administrative et financière), en parfaite cohérence avec le transfert de compétences et prérogatives à l'échelon local.
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