Lutte contre les réseaux de trafic d’êtres humains, protection des migrants et focalisation sur la sécurité nationale : longtemps mise à l’index sur la gestion des flux migratoires subsahariens, l’Algérie organise la riposte. Pour la première fois, le gouvernement a décidé de communiquer sur un phénomène qui a terni l’image du pays ces derniers mois. Pour tenter d’expliquer la prudence avec laquelle les autorités gèrent le phénomène migratoire, le directeur d’études chargé de la migration au ministère de l’Intérieur, Hacène Kacimi, a rencontré, jeudi, les journalistes. Il a d’abord donné des chiffres peu connus jusque-là. «On a sauvé 14 000 femmes et enfants des mains de cette bande de criminels du Niger qui commençait à s'organiser sur le territoire national pour exploiter cette frange fragile dans la mendicité», a indiqué le responsable, qui évoque pour la première fois et sans complexe, la question de la traite des êtres humains. Si le responsable a donné cet exemple, c’est pour démentir les accusations contre l’Algérie. «Quand on parle de rafles et de déportations, nous ne sommes pas des nazis, et ceux qui ont pratiqué les rafles et les déportations sont des nazis», a-t-il dit, regrettant la campagne «violente» menée contre l'Algérie concernant la question de la migration. Il fait allusion aux écrits de la presse et aux attaques des ONG de défense des droits de l’homme qui protestent contre la manière avec laquelle les migrants sont reconduits chez eux. Des médias rapportent souvent des témoignages de migrants clandestins qui évoquent des cas de maltraitance. Le responsable du ministère de l’Intérieur a tenté d’employer des termes assez diplomatiques pour expliquer les déclarations du Premier ministre et celles du ministre des Affaires étrangères qui ont évoqué la présence de passeurs sur le territoire national. Il a expliqué, selon les propos rapportés par l’APS, que la sécurité nationale est la «priorité nationale» et «nous veillons pour que l'intégrité et la sécurité de notre pays ne soient pas menacées par n'importe quelle situation qui peut se poser et à tout moment». Pour illustrer ses propos, le responsable a révélé que les réseaux migratoires avaient été «investis par le banditisme, le terrorisme, la criminalité et la subversion», ajoutant que durant les trois derniers mois, «l'équivalent de 39 milliards de centimes ont été saisis à Adrar, Tamanrasset et Illizi». Il a ajouté que le réseau des passeurs d'Agades (Niger), «qui travaille dans la destination Libye et Algérie», a un revenu équivalent à 140 millions d'euros par mois, relevant que cet argent est «recyclé dans la contrebande, le terrorisme et la subversion». Réseaux maffieux Dans sa lutte contre l’émigration clandestine, le gouvernement algérien rappelle qu’il ne se limite pas à reconduire les migrants chez eux. Le responsable du ministère de l’Intérieur a indiqué d’ailleurs que l’Algérie a effacé la dette de 14 pays du continent, évaluée à 3,5 milliards de dollars durant les cinq dernières années. Une manière de rappeler, peut-être, que l'Algérie participe à sa manière à l’effort du développement des pays subsahariens. En novembre dernier, le Premier ministre, Ahmed Ouyahia, a révélé que l’Algérie avait dépensé plus de 100 millions de dollars pour aider les pays africains dans leur développement. Le pays consacre, également, plus de 20 millions de dollars pour lutter contre l’émigration clandestine. Cette sortie vient conforter la ligne suivie par l’Algérie depuis plusieurs mois. Les autorités algériennes veulent ainsi dissocier le travail humanitaire de la lutte contre les «réseaux migratoires». En déplacement à Kigali, au Rwanda, en mars dernier, Ahmed Ouyahia avait refusé de signer le protocole de libre circulation des personnes. «L'Algérie a reporté la signature du protocole de libre circulation des personnes pour ne pas ouvrir la voie à l'émigration clandestine, même si elle s'est engagée à aider les réfugiés se trouvant sur ses territoires pour des considérations humanitaires», avait-il déclaré. Le ministre de l’Intérieur, Noureddine Bedoui, a également déploré, en mars dernier, «l'exploitation par les réseaux criminels de ces migrants dans leurs entreprises criminelles», ce qui «menace notre sécurité et la stabilité de notre société». Il avait également affirmé que «la préservation de la sécurité et de la sérénité publiques est légitime». En trois ans, l’Algérie a reconduit plus de 27 000 migrants clandestins sur les 500 000 individus qui ont transité par son territoire. Le pays a également enregistré, ces cinq dernières années, la condamnation de 56 000 migrants subsahariens pour crimes et délits, parmi lesquels 30 000 sont des Maliens, alors que 20 000 sont des Nigériens. Cela n’empêche pas des centaines d’autres migrants, dont beaucoup de femmes et d’enfants, de traverser la frontière algérienne, soit pour s’établir en Algérie, soit pour traverser la Méditerranée. Seuls 2% réussissent ce pari, selon les responsables du ministère de l’Intérieur.
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