La réforme de la politique des subventions, via le système de ciblage, telle qu’initiée par le gouvernement risque de faire fausse route, a mis en garde, à nouveau hier à Alger, le collectif d'experts algériens Nabni, tout en proposant deux modèles alternatifs. «Quand on fait du ciblage, tel que lancé par le gouvernement, les expériences de par le monde montrent de très forts taux d’exclusion des démunis. On parle de 30 à 40% au Brésil par exemple, qui est cité comme modèle de ciblage et qui inclut aussi énormément d'indus bénéficiaires. En plus de cela, toutes les expériences qui existent qui font du ciblage couvrent généralement 10 à 20% de la population la plus pauvre. Ce qui n’est pas compatible avec notre modèle algérien qui est égalitaire», a estimé Mabrouk Aïb, expert et membre de Nabni, lors d’une conférence sur la réforme des subventions et les propositions du collectif. Le gouvernement avait annoncé le lancement, en 2019, dans une wilaya pilote, d’un projet de transferts monétaires ciblés, censé compenser les pertes de pouvoir d’achat issues des futures baisses des subventions. «Nous pensons que cela ne fonctionnera pas, si jamais on le met en place un jour. Dans ce cas, il faudra que la couverture soit très large et égalitaire alors qu’on n’a pas la capacité administrative de mettre en place ce système», a expliqué Mabrouk Aïb. La réforme du système des subventions, qui coûte 13,6% du PIB, d’après des chiffres du FMI de 2016, doit être engagée rapidement, car celui-ci n’est plus soutenable budgétairement, notamment depuis la chute des prix du pétrole en 2014, a-t-il noté. «Il est aussi injuste dans la mesure où ce sont souvent les ménages qui ont le plus de revenus qui en bénéficient le plus, notamment en matière d’énergie», a-t-il ajouté. En outre, le système, héritage de l'économie administrée adoptée par l'Algérie à son indépendance, nourrit le gaspillage et la contrebande aux frontières. Face à cette situation, le collectif citoyen a suggéré deux options pour compenser la baisse du pouvoir d’achat due à la levée des subventions : soit un ciblage progressif qui viserait 40% des ménages les moins aisés pour un coût minimal de 12 000 DA par foyer, soit un revenu universel de 2000 DA par citoyen qui toucherait l’intégralité de la population, à l’exception des plus riches. Les deux modèles coûteraient respectivement 2,4% et 5,5% du PIB, d’après Nabni. «Dans les deux cas, cette réforme pourrait être mise en place dès 2019 et sera généralisée très rapidement», a souligné Mabrouk Aïb. En revanche, des réformes complémentaires liées à la bancarisation, la fiscalité et les moyens de paiement, devraient être aussi engagées, selon lui. Le collectif Nabni demande, par ailleurs, au gouvernement de lancer un grand débat qui serait «le chantier de l’année 2020». «Au-delà du système des subvenions lui-même, c’est tout le système de redistribution qu’il faut repenser», a recommandé Mabrouk Aïb.
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