dimanche 29 avril 2018

«Le ministère du Travail veut nous faire taire»

Propos recueillis par Nadir Iddir Le ministère du Travail vient d’indiquer, dans un communiqué rendu public hier, que 30 syndicats sur 65 ont répondu favorablement aux demandes de renseignements publiées sur le site officiel du ministère dans le délai légal, soit le 31 mars 2018. Il est précisé aussi que 17 sur les 30 organisations ont transmis les éléments de la représentativité. Quelle appréciation faites-vous de ces déclarations ? De prime abord, nous disons que le ministre du Travail mélange entre agrément et représentativité. Il relie à tort entre représentativité d’un syndicat et le droit de grève, qui est un droit constitutionnel. Il y a sur ce point violation de la Constitution. Il y a aussi lieu de préciser que les syndicats, qui sont considérés comme non représentatifs, sont les plus présents sur le terrain et c’est à cette aune qu’il y a lieu de parler de représentativité ou pas d’un syndicat. Le ministère exige une représentativité équivalant à 20% des travailleurs d’un secteur donné. Prenons le cas du secteur l’éducation où il y a dix syndicats. Si chaque syndicat doit apporter la preuve de sa représentativité d’au moins 20%, alors le ministère est tenu de créer au moins 750 000 postes d’emploi supplémentaires. Si seulement cinq syndicats réussissent à atteindre ce taux, les cinq autres ne doivent plus activer. Il y a lieu de rappeler un fait : l’ancien ministre du Travail (Mohamed El Ghazi) nous a reçus, sur instruction du président de la République à qui il devrait remettre un rapport. S’il l’a fait c’est qu’il nous considérait comme étant représentatifs des travailleurs. Je précise, par ailleurs, que le ministère n’a pas remis la même correspondance à tous les syndicats. La première était la même pour tous les syndicats. Alors que celle du 18 avril est différente. Selon le courrier que nous avons reçu au Satef, il nous est exigé de faire parvenir dans les «meilleurs délais» un complément d’informations sur l’état des effectifs d’adhérents selon les catégories professionnelles couvertes par le statut de notre organisation, réparties par corps et grades des fonctionnaires couverts. Le ministère a vite annoncé les «syndicats représentatifs» sans prendre soin d’étudier le cas de notre syndicat qui existe depuis 1991. Et puis il est aberrant de demander à un fonctionnaire son numéro de Sécurité sociale, comme on le ferait pour les travailleurs d’une entreprise privée. Pourquoi le ministère a-t-il insisté sur la représentativité des syndicats ? Tout cela, je pense, est lié à l’échéance électorale de la présidentielle de l’année prochaine. Depuis une quinzaine de jours, les médias publics font l’éloge des réalisations des 20 ans du Président. Il y a un hic : les syndicats autonomes continuent de dire le contraire de ce que s’évertuent à présenter à la population les autorités. Les syndicats parlent de l’érosion continue du pouvoir d’achat. Ils parlent de la pauvreté de pans entiers de la population, qui n’ont jamais été aussi nombreux à chercher de quoi manger dans les poubelles, chose que l’on n’a pas autant vu même du temps du colonialisme. Il y a aussi un recul sur les libertés et les droits de l’homme dans le pays et toute cette violence à l’égard des syndicats, des médecins résidents, etc., qui manifestent leur désaccord. Les autorités, disons-le crûment, sont prises de panique. Pour dénoncer la répression violente de notre rassemblement du 25 novembre 2017 à Ruisseau (Alger) et la violation du siège de l’Unpef, l’Intersyndicale a décidé de s’adresser au président de la République et au chef du gouvernement. Nous avons attendu deux mois sans recevoir malheureusement de réponse. Décision a été alors prise de saisir le Bureau international du travail (BIT). L’Intersyndicale a délégué trois représentants pour transmettre nos doléances au BIT à Alger. C’est précisément suite à cette action que le ministère du Travail a réagi et que la mission du BIT a vu sa visite à Alger reportée après sa demande de rencontrer des organisations syndicales. Y a-t-il aussi une volonté de faire taire les «syndicats frondeurs», comme le pensent vos camarades de l’Intersyndicale ? Veut-on exclure des syndicats des discussions sur certains dossiers, tels que le code du travail, la retraite, etc. ? Effectivement. Il y a une volonté de normaliser les travailleurs et de faire passer des réformes sur les dossiers, comme les codes de la santé et du travail, sans que les représentants des travailleurs y soient associés. Les pouvoirs publics oublient qu’on travaille toujours et qu’on ne s’est pas tus. Le gouvernement nous exclut de la tripartie. Mais on continue de négocier. Ainsi, au Satef, par exemple, on se mobilise et on négocie, localement, avec les directeurs de l’éducation. Comment comptent agir les syndicats contre les décisions du ministère ? Nous continuerons de lutter dans le cadre de l’Intersyndicale. Le 1er Mai est «jour de deuil», comme nous l’avons décidé. Ce jour-là, l’Intersyndicale organise une conférence de l’expert en relatons du travail Bouderba sur la représentativité des syndicats et la non-conformité à la loi des décisions du ministère du Travail. Nous savons que les jeux sont faits sur les décisions du ministère, mais nous comptons lancer des actions.

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